Pendant la semaine de déroulement des examens du bac, deux copies d’épreuves, concernant l’éducation islamique, ont fait le tour des réseaux sociaux. Dans l’énoncé du premier examen, on demande aux élèves de décrire comment ils devraient s’adresser à une voisine aux mœurs légères pour la remettre sur le droit chemin. Dans le deuxième, on assimile la défense des droits de l’homme et des libertés à la complicité avec le désordre et l’atteinte aux biens publics. Rien que ça. Dans le premier, on place les élèves dans la peau de petits prédicateurs de quartier, et dans le deuxième on les remonte, indirectement, contre une partie de la société civile marocaine. Le tout au nom de la religion et de l’éducation, mais sur fond politique et idéologique. Un mélange des genres que l’État marocain a exploité depuis des décennies et qui a mené aux catastrophes que l’on connaît.
Ainsi, au début des années 1980, Hassan II avait choisi d’introduire massivement la religion dans l’éducation nationale. Le but était de reformater les esprits pour contrecarrer l’opposition de gauche, fortement présente dans les lycées et les universités. On a réduit l’enseignement de la philosophie et de la sociologie, disciplines jugées trop subversives, et ouvert à tour de bras des départements d’études islamiques. Les manuels scolaires sont devenus des bréviaires de propagande et d’endoctrinement. Les lycéens des années 1980 et 1990 doivent se rappeler de cours d’éducation islamique présentant le communisme, le capitalisme et la laïcité comme des formes d’athéisme. L’intolérance envers les juifs et les chrétiens était banalisée au nom de la supériorité de l’islam. Quant au statut subalterne et inférieur de la femme, il était expliqué et justifié par des arguments religieux. Ces manuels reprenaient aveuglément des slogans idéologiques comme « l’islam est la solution » ou « le Coran est valable en tout temps et tout lieu ». Des slogans qui, à force d’être répétés, martelés et récités, ont fini par devenir des vérités et des évidences pour des générations de Marocains. L’État a agi comme le Docteur Frankenstein, créateur d’un monstre qui s’est retourné contre lui. On a ouvert alors une voie royale aux islamistes, qui n’avaient qu’à cueillir les fruits de cette stratégie. Leurs idées ont trouvé un terrain fertile préparé par l’Etat lui-même à travers les manuels scolaires. Et « comme on fait son lit, on se couche », le Maroc s’est réveillé avec des cauchemars. Les attentats de 2003 ont démontré les limites catastrophiques de ce choix. L’État s’est mis, à partir de cette date, à revoir les manuels scolaires et à être plus vigilant au contenu de l’éducation religieuse au Maroc. Mais l’histoire semble être un éternel recommencement dans notre pays. On reproduit les erreurs du passé, jusqu’au jour où on se retrouve de nouveau face au mur du fanatisme et de l’intolérance.