Tout ce qui nuit à l'indépendance de la justice marocaine

Projets de loi sur le conseil supérieur du pouvoir judiciaire et sur le statut de magistrat: les experts internationaux rendent leur copie.

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Le palais de justice d'Essaouira. Crédit : Lee Martin / Flickr

Des avancées mais toujours pas d’indépendance. C’est ce qui ressort des deux mémorandums de la Commission internationale des juristes (CIJ) sur les deux projets de loi relatifs au statut de magistrat et au conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Cette commission s’est rendue au Maroc pour y rencontrer, entre autres, le secrétaire général du gouvernement, le président de la Cour de cassation, le président de la Chambre des conseillers…

En résumé, pour assurer une stricte indépendance de la justice, la CIJ aimerait que le ministère transfère davantage de pouvoirs, surtout en matière de nomination des juges, au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), la nouvelle instance qui remplacera le conseil supérieur de la magistrature.

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Donner plus de pouvoir au conseil supérieur et moins au ministère

Le premier projet de loi examiné est justement celui qui créé le CSPJ. Déjà, le CIJ critique la nomination de ses membres. Le projet de loi actuel prévoit par exemple que certains d’entre eux soient nommés par le roi, alors qu’ « il aurait été préférable que la majorité des membres du CSPJ soient des magistrats élus par leurs pairs », peut-on lire dans le premier mémorandum. Ces juristes préconisent également que la loi précise les critères objectifs de nomination des membres du CSPJ: formation, qualification, intégrité… Même remarque pour leur licenciement.

Concernant les pouvoirs attribués au CSPJ, la CIJ félicite le fait qu’il supervise la nomination des magistrats mais demande ainsi que soit supprimé le rapport ministériel sur chacun d’eux. Elle demande également que lui soit conféré le pouvoir de décider des mesures de détachements des magistrats, et que cette procédure soit transparente. Aussi, la CIJ considère que ce conseil devrait être impliqué dans la préparation du budget de l’ensemble de la magistrature.

Il est également recommandé que la loi prévoie des mesures spécifiques pour assurer la participation pleine et égale des femmes dans la magistrature.

Des nominations royales qui posent problème

Dans le second mémorandum qui traite de la nomination des magistrats (qui reprend donc quelques éléments du premier), les experts internationaux regrettent que le président et le procureur général de la Cour de cassation soient nommés par le roi. Ils aimeraient au moins que la loi précise les critères sur lesquels il se fonde.

Aussi, l’article 7 du projet de loi prévoit que les magistrats soient nommés parmi les juges stagiaires, ceux qui ont réussi l’examen d’admission à l’Institut de formation judiciaire (IFJ) et les professeurs de droit et avocats qui ont au moins dix années d’expérience. Mais problème : les juges stagiaires sont nommés par le ministère. La CIJ le regrette.

L’article 89 du projet de loi sur les fautes disciplinaires pose également problème, il nie clairement la liberté syndicale en condamnant « l’exercice d’activités politiques ou syndicales ou l’adhésion à un parti politique ou à un syndicat » et le droit de grève en stipulant en condamnant « l’abstention collective et organisée de travailler ». Le CIJ aimerait que la loi définisse clairement les infractions disciplinaires, pour éviter toute révocation abusive.

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