Car les homosexuels ne sont ni des déviants ni des malades ; car l’amour consentant entre deux adultes n’est pas un crime ; car la loi ne peut pas s’immiscer dans les sentiments des gens ; car ce qui se déroule librement entre deux individus et ne nuit pas directement aux autres ne doit pas être puni ; car il n’appartient pas à un homme ou une femme de dicter la norme quand il s’agit de l’intimité d’individus majeurs et conscients… pour toutes ces raisons, et d’autres considérations, il est plus que nécessaire de sortir l’homosexualité de la liste des crimes punies par la loi. L’article 489 du Code pénal est une aberration et un pur archaïsme. Cet article, qui pénalise l’homosexualité et la définit comme un acte « contre nature », est la survivance d’une vision dépassée qui considérait cette orientation sexuelle comme une maladie, un acte qui déroge à la nature humaine. Sous l’influence du puritanisme chrétien, la majorité des législations occidentales comportaient, jusqu’à récemment, des dispositions qui châtiaient les relations entre deux personnes du même sexe. En France, l’article 331 du Code pénal, que notre fameux article 489 a copié à la lettre, n’a été abrogé qu’en 1982, avec l’avènement de la gauche au pouvoir. L’homosexualité a quitté alors le registre des pathologies pour être admise en tant que choix et liberté individuelle.
On a vu récemment une manifestation, où l’on se proclamait de l’islam et des bonnes mœurs pour dénoncer la conduite de deux personnes « accusées » d’homosexualité. Il était saisissant d’entendre ces manifestants crier que « les homosexuels n’ont pas leur place au Maroc ». Selon eux, les gays sont des dépravés, des monstres de la nature, dont la présence est une pure nuisance qu’il faut éradiquer ou, au mieux, soigner et guérir. On n’ose pas imaginer le choc des tenants de cette vision, qui considèrent les homosexuels comme des dégénérés, en découvrant que ces derniers sont présents dans les manuels où ils ont étudié, les livres qu’ils ont probablement lus, la musique qu’ils ont écoutée et même dans les symboles de leur identité. Que faire alors pour contrer et empêcher cette présence ? Devons-nous interdire l’enseignement de la philosophie, car ses pères fondateurs grecs comme Aristote et Platon font l’éloge de l’homosexualité ? Doit-on bannir Al Jahiz, grand maître de la langue arabe, car il a écrit un livre où un homme argumente et explique ses penchants pour d’autres hommes ? Que faire des manuels scolaires qui citent Baudelaire, Oscar Wilde, Rimbaud, Proust et Genet ? Et que devient l’enseignement de l’économie dans nos universités si on tait le nom de Keynes, l’économiste le plus influent du 20e siècle ? Et enfin, faut-il changer de drapeau national et de système administratif, car celui qui les a instaurés est le Maréchal Lyautey, dont l’homosexualité n’était un secret pour personne ? Non, ce qu’il faut changer plutôt, c’est la mentalité homophobe et l’intrusion dans le domaine du privé et de l’intime. À commencer par une loi archaïque et liberticide.