Sting. Message in a bottle, Shape of my heart, Roxanne… On en passe et des meilleures. Sting fidélise une génération de quinquas grisonnants, et, avec eux, leurs enfants forcés d’écouter ses albums durant de longs trajets en voiture. Avec ou sans The Police, Sting, on adore. On adore et on est d’autant plus déçu quand on découvre l’envers des tubes que l’on chante à tue-tête, l’envers de sa voix androgyne, l’envers du show-business en somme. Car oui, Sting c’est aussi, bien sûr, une part de business. C’est que l’Anglais soigne son image.
Avant le début de son concert le 4 juin sur la scène de Mawazine, les journalistes, photographes et cameramans accrédités doivent signer une décharge avant d’accéder à la zone qui leur est réservée. Première déconvenue.
Sur ce document rédigé par la boîte de production de Sting dans un anglais juridique opaque, les journalistes s’engagent à ne photographier/filmer que les deux premières chansons du concert. Soit. C’est le souhait de la plupart des artistes, même si certains poussent jusqu’à trois morceaux. À partir du quatrième, les journalistes peuvent à leur guise continuer à prendre des photos dans le public. Pas avec Sting. En signant ce papier, les journalistes s’engagent à ne prendre des images que depuis la petite estrade sur laquelle ils s’étripent pour tenter de capter le meilleur du concert dans le court laps de temps qui leur est imparti. Deuxième déconvenue. Mais on ne s’arrête pas là. La protection des images est une problématique quotidienne pour les photographes qui chassent celles et ceux qui pourraient les réutiliser sans les créditer, et donc les payer. L’équipe de production de Sting vient en rajouter une couche avec des clauses léonines qui en limitent l’utilisation. Les images prises pendant le concert ne doivent servir que dans « un but éditorial, et uniquement dans des contenus en rapport avec Sting ». Troisième déconvenue.
La quatrième déconvenue ne figure pas dans le document. Elle concerne les cameramen uniquement et intervient à quelques minutes du début du concert. Les journalistes équipés de caméras apprennent qu’ils ne pourront filmer que la première minute de chaque chanson. Deux, en l’occurrence. Aberrante et incompréhensible, cette règle est pourtant appliquée à la lettre par des agents, montres en main, qui rappellent au terme des 60 secondes aux cameramen de cesser leurs enregistrements. Tant pis, personne ne connaît cette chanson de toute façon.
Que faire alors pendant les trois à quatre minutes restantes avant la prochaine et dernière chanson ? Filmer le public pour capter l’ambiance ? Non plus, mais pour des raisons indépendantes de la volonté du chanteur et de sa production cette fois. Des membres de la famille royale sont dans le public. Aussitôt qu’un objectif se tourne vers la foule, son porteur est vivement rappelé à l’ordre, de manière à lui faire passer l’envie de retenter sa chance.
Que Sting soigne son image, cela va de soi. Une grande partie du succès d’un artiste tient à la maitrise de sa communication. En arriver à contraindre à ce point les médias qui ont jadis fait son succès, c’est agaçant. D’autant que c’est inutile et vraiment dommage. Inutile, car des milliers de smartphones filment la scène depuis les pires angles dans une qualité aléatoire. Et c’est dommage parce que ce concert était un beau moment qu’il aurait fallu montrer dans son intégralité, avec un œil différent de celui des caméras retransmettant en direct sur la télévision publique. On retiendra une version de Roxanne inédite, les couplets de Desert Rose chantés en arabe par Sting et la clameur de la foule reprenant les refrains en symbiose.
Voici quelques extraits filmés par le public :