Le Maroc, bon ou mauvais élève du climat?

Le Maroc vient de s'engager à réduire de 13% ses émissions de gaz à effet de serre prévues en 2030 et organisera la  Conférence des Nations unies sur les changements climatiques l'an prochain. Comment le royaume s'est-il positionné sur l'environnement depuis le sommet de la terre de Rio de 1992 ?

Par

Wagner Christian

Le sommet de la terre de Rio en 1992, suivi des différentes discussions liées au protocole de Kyoto, avait permis au monde de prendre conscience du nouvel enjeu climatique. Faisant partie du groupe des pays en développement, le Maroc n’avait pas d’engagements quantifiables directement en lien avec les négociations.

Au Maroc, les différents indicateurs démontrent une augmentation constante des émissions de gaz à effet de serre depuis 1960 (voir graphique ci-dessous). Mais cette mince augmentation permet au royaume de se positionner encore parmi les faibles émetteurs de CO2. Les multiples efforts réglementaires entrepris, accompagnés des nombreux projets mis en place, pourront maintenir un statut de « bon élève » auprès de la communauté internationale.

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Des réalisations environnementales sous contrainte

Au lendemain de Rio, en 1992, le Maroc se dote d’un département ministériel « chargé de la conduite de la politique gouvernementale en matière de protection de l’environnement ». Alors que le renforcement institutionnel était une des bases des discussions lors des conférences des années 1990, le Maroc a également suivi les recommandations internationales en créant la Charte nationale de l’environnement.

Côté énergies, le plan solaire Noor et sa dernière méga-centrale à Ouarzazate fixent l’objectif d’atteindre 42% d’énergies renouvelables dans la production énergétique totale d’ici 2020. Dans le domaine de l’eau, une Stratégie nationale de l’eau a été mise en place, fixant des objectifs à l’horizon 2030. Un rapport du ministère délégué chargé de l’Environnement explique par exemple que les autorités se reposeront entre autres sur la construction de 60 barrages, sur « le transfert des ressources en eaux brutes des bassins du Nord vers le Sud (800 Mm³/an) » ou encore sur un plan de gestion des sécheresses au moyen de bassins hydrauliques.

A Moroccan worker walks in front of a solar array that is part of the Noor 1 solar power project in Ouarzazate on October 19, 2014. Morocco's first solar energy plant will begin operating in 2015, an official said, as part of a multi-billion-euro project the oil-scarce kingdom hopes will satisfy its growing energy needs. The Nour 1 plant cost 600 million euros (USD 765 million) and is expected to have a capacity to generate 160 MW. AFP PHOTO/ FADEL SENNA

Mais de par sa géographie, le Maroc hérite de vulnérabilités spécifiques. Les experts identifient des secteurs et des territoires susceptibles d’être particulièrement touchés par les changements climatiques. Alors que le niveau des précipitations connait une baisse tendancielle depuis le début du siècle dernier, une présentation du Programme des nations unies pour le développement évalue l’agriculture dépendant des pluies à 87% de l’ensemble du secteur. La concentration de plusieurs domaines productifs comme le tourisme sur les littoraux participe aussi des dangers que pourra connaître le Maroc dans le cas d’une élévation du niveau de la mer.

Un statut de précurseur et une reconnaissance internationale

Les efforts environnementaux et les perspectives affichées par les autorités permettent au Maroc de s’en prévaloir au niveau international. Le royaume vient par exemple de remporter le prix de la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) pour sa politique d’énergies renouvelables.

Par ailleurs, un rapport classant les pays selon différents critères environnementaux d’un think tank reconnu dans le domaine a positionné le Maroc 6e pays au monde pour l’année 2015, en progression de 6 places par rapport à l’année précédente. Le royaume surpasse tous les autres pays en développement et se place au côté du Danemark ou encore de la Suède. Ce même rapport souligne notamment les efforts en matière d’énergie renouvelables, les baisses des subventions concernant les carburants, les évolutions réglementaires et qualifie même le royaume de « précurseur » en terme de politiques publiques énergétiques.

Un barrage au Maroc - Crédit: Ministère délégué chargé de l'environnement.
Un barrage au Maroc. Crédit : Ministère délégué chargé de l’environnement.Crédit: Ministère délégué chargé de l'environnement

13%, un chiffre réaliste ou optimiste ?

Plus récemment, interrogé par l’AFP, Nicolas Hulot avait qualifié l’engagement marocain « d’assez ambitieux » à l’occasion de l’annonce des 13% de réduction des gaz à effet de serre par Hakima El Haité, ministre déléguée chargée de l’Environnement. Les perspectives dictées par la ministre couvrent un investissement national de 10 milliards de dollars et visent une réduction totale de 32% d’ici 2030 (en comptant parallèlement sur une aide internationale de 35 milliards de dollars).

Interrogé par Telquel.ma, le professeur Mohamed Sinan, spécialiste de l’environnement contribuant aux études et aux discussions gouvernementales sur le sujet, se dit plutôt optimiste quant aux possibilités d’aides étrangères pour les réductions d’émissions. Précisément du fait de l’image positive que le Maroc a acquis dans le domaine. Rappelons que le think tank britannique Overseas development institute a révélé en décembre dernier que le Maroc était le premier bénéficiaire des aides pour le climat, en captant 606,96 millions de dollars.

Pour Mohamed Sinan, sa volonté de réduction d’émissions de gaz à effet de serre permet au Maroc d’obtenir une place privilégiée entre les pays du Sud (qui manquent généralement des moyens d’accomplir des efforts substantiels) et les pays déjà industrialisés (portant l’essentiel de la responsabilité des changements climatiques). En ayant été désigné pour organiser la COP22 (22e Conférence des Nations unies sur les changements climatique) en 2016 après celle de Paris, le Maroc se doit de respecter ses nouveaux engagements afin de maintenir son statut particulier. Il en va d’enjeux à la fois diplomatiques, économiques, sociaux et sanitaires.

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