Zakaria Boualem et les défis de Habib Choubani

Par Réda Allali

Les amis, pas de temps à perdre cette semaine, notre programme est chargé. Il nous faut ensemble glorifier un héros du Maroc Moderne. Un homme qui a accompli son noble devoir au mépris du risque, qui a bravé les entraves placées sur son chemin par notre époque pernicieuse pour aller au bout de sa mission, impassible et vaillant. Notre ministre chargé des Relations avec le parlement va convoler en justes noces avec sa collègue du gouvernement, Madame la ministre déléguée auprès du ministre de l’Enseignement supérieur. Il y a beaucoup de ministres dans cette phrase. Il a donc accompli cette mission en compagnie de sa maman et de sa première épouse. Car oui, de fait, notre homme va devenir bigame. Il est rassurant de constater que nos dirigeants, malgré l’énorme responsabilité qui pèse sur leurs épaules (rappelons qu’ils doivent nous conduire vers les lumières de la modernité et de la prospérité), savent laisser une place à l’amour dans leurs agendas surchargés. Zakaria Boualem n’entend pas s’immiscer dans la vie privée de cet homme, ce n’est pas son genre. Même si, de leur côté, nos politiciens ne se gênent pas pour légiférer avec enthousiasme sur la nôtre. Chez eux, l’intrusion est une vocation. Non, le Guercifi voudrait au contraire rendre un hommage au panache du bonhomme. Il a une idée suffisamment précise de la difficulté qu’il y a à entretenir une belle famille pour saluer avec humilité le courage d’en choisir deux. Faire accepter deux femmes à sa mère. Dispatcher les deux fêtes annuelles entre trois familles, comment est-ce possible ? Convaincre sa première épouse de l’accompagner à son propre mariage avec la seconde. Gérer les WhatsApps en continu avec sa femme, et avec l’autre. Ont-elles créé un groupe de discussion ensemble ? Y est-il convié ? Placer la Ligue des champions au milieu de tout cela, et la construction du Maroc Moderne. Donner des noms aux enfants sans éviter une guerre civile. Le seul énoncé de la complexité du problème a épuisé Zakaria Boualem. Il est incapable d’envisager le succès dans une telle entreprise s’il venait à s’y lancer. Oui, respect, Monsieur le ministre.

Sans aucune forme de transition, cette information extraordinaire. Un train, figurez-vous les amis, a roulé sans conducteur pendant un kilomètre et demi depuis la gare de Kénitra. Il ne s’agit pas d’un exploit technologique, c’est juste que le conducteur était parti chercher un café. C’est prodigieux. Zakaria Boualem peut aujourd’hui affirmer sereinement que le Maroc est dirigé par des forces occultes. Des forces qui déplacent les trains, par exemple. Vous vous souvenez de Abdeljabbar Majhoul ? Cet inconnu qui, selon notre ambassadeur au Caire, avait diffusé des reportages hostiles au gouvernement égyptien sur nos chaînes. Eh bien, ce Abdeljabbar Majhoul, qui d’ordinaire retarde les trains pour une raison inconnue, a décidé, le farceur, d’accélérer celui-là. Au même moment, ce ne peut pas être un hasard, le système de contrôle de police à l’aéroport Mohammed V a connu une panne d’une heure. Abdeljabbar Majhoul a encore frappé, il a saboté un onduleur. Zakaria Boualem voudrait s’excuser auprès de nos responsables. Il a trop souvent grogné sur leur manque de transparence. Il a eu tort. Aujourd’hui, il en sait trop. Il est angoissé. La seule idée qu’une frontière dépende d’un simple onduleur le terrifie. Une heure de retard, on est dans les standards. Ne nous dites rien, et ça passera tranquille. Oui, il préfère ça plutôt que l’idée que Abdeljabbar Majhoul frappe quand il veut, où il veut, retarde les avions et accélère les trains.

Et merci.