Cette semaine est glorieuse. Oui, le Tribunal arbitral du sport, que Dieu en renforce les semblables, a annulé la sanction de la CAF, nous allons donc pouvoir jouer les deux prochaines CAN. Lorsqu’il a appris la nouvelle, Zakaria Boualem est entré en transe, il a eu le sentiment d’avoir terrassé un continent à lui tout seul, il a même festoyé avec enthousiasme. Il s’est senti réhabilité, noble et fier, allemand quoi !
Quand il s’est réveillé le lendemain matin, il a étudié cette affaire de plus près et s’est senti soudain moins joyeux. Il a découvert que ce fameux tribunal n’avait pas vraiment donné raison au Maroc. Il a juste expliqué que cette histoire d’Ebola ne tenait pas la route, mais que la CAF n’avait jamais prévu ce genre de sanctions dans son règlement. Autrement dit, nous avons tort mais les autres ont fait n’importe quoi. Un monumental choc d’incompétences. Ce n’est pas ce qui a fait le plus mal à Zakaria Boualem. Non, le truc qui dérange un peu la fierté colossale du Guercifi, c’est de constater qu’il a festoyé pour fêter une qualification à la phase qualificative. Car il a connu un moment de notre histoire où il a festoyé pour célébrer une qualification aux huitièmes de finale d’une Coupe du Monde. Avec le temps, il a appris à se contenter d’une participation à cette compétition. Par la suite, il a célébré des demi-finales, des finales de CAN, des victoires en Ligue des champions. Mais se réjouir d’être autorisé à essayer de se qualifier, ça ne lui était jamais arrivé.
Et pourtant, il est bien conscient qu’il s’agit là de la plus brillante victoire du foot marocain depuis des années, il est juste dommage qu’elle se soit jouée dans un tribunal et non dans un stade conçu à cet effet. Il suffit de lire les communiqués triomphants et les commentaires vibrants pour le comprendre : un peuple a besoin de se sentir un minimum fier de lui même. Comme on a un peu de mal à organiser des voyages sur la lune ou collectionner les prix Nobel, ben on prend ce qu’on a. Ça doit être la raison qui explique notre passion pour les plus grandes omelettes du monde ou ce genre d’initiatives grotesques. Voilà où nous en sommes. Il nous faut nous ressaisir, car nous dérivons. Rappelez-vous les amis, nous nous sommes réjouis il y a quelques mois d’avoir réussi à changer de fédération – la première tentative ayant été annulée par la FIFA. Au rythme où nous chutons, nous allons bientôt nous féliciter d’avoir réussi à présenter onze joueurs portant le même maillot sur l’aire de jeu. Imaginez un peu le communiqué : « L’équipe nationale du Maroc, conformément aux règlements en vigueur, a réussi à aligner une équipe complète dans son match contre le Swaziland, comptant pour le tour préliminaire des phases qualificatives à la Coupe d’Afrique des Nations. Les onze joueurs étaient bien présents sur le terrain d’Agadir à l’heure indiquée, dûment équipés et parfaitement alignés au moment des hymnes. Les problèmes de transport et de logistique ont été gérés de main de maître par les responsables, qui ont déclaré à la suite de cet exploit avoir puisé leur motivation dans le patriotisme qui les anime. ».
Cette page est pleine de mauvaise foi, bien entendu. Zakaria Boualem est taquin. Le truc qui fait plaisir, c’est de s’être sortis de cette affaire sans sanctions. Notez bien qu’il est possible qu’on nous envoie des arbitres à l’ancienne pour rattraper le coup, ça peut aller très vite croyez-moi. Deux rouges dans le premier quart d’heure, quatre-vingts minutes à neuf contre dix, une panne de la couverture télé, un péno par mi-temps, et va au TAS si t’es pas content avec les images que t’as chopées sur ton téléphone. Bon, on n’en est pas là. Pour l’instant, célébrons notre exploit : celui d’avoir annulé une CAN sans que personne ne prenne notre excuse au sérieux, et sans aucune espèce de conséquences. La taille de notre front est phénoménale. Nous sommes magnifiques, et merci.