Avortement: le plan du ministère de la Santé

Houcine El Ouardi a lancé le débat sur l’avortement ce mercredi 11 mars à Rabat en évoquant le plan d'action du ministère, qui comprend notamment sa libéralisation dans certains cas.

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Le ministère de la Santé organisait ce mercredi 11 mars à Rabat un débat sur l’avortement, « son encadrement juridique et les exigences de la sécurité sanitaire ». Le ministre Houcine El Ouardi était le premier à parler, et avec son discours engagé, il a posé le ton d’une rencontre où plusieurs intervenants ont parlé sans tabou de ce problème, dans une ambiance assez animée.

Houcine El Ouardi a ainsi révélé qu’au moins 4,2% des décès maternels au Maroc sont causés par des avortements clandestins qui ont mal tourné, sachant que le taux de mortalité maternelle dans le royaume était encore de 112 morts pour 100 000 naissances en 2010. Les articles 449 à 504 du Code pénal sanctionnent lourdement la pratique de l’avortement, sauf si la vie de la mère est en danger.

Libéralisation et éducation sexuelle

Et pour le ministre, cette législation est « très restrictive, sévère et inéquitable » et elle engendre « de nombreux avortements clandestins aux conséquences sanitaires graves ». Le ministre a ensuite annoncé que son ministère travaillait sur un plan d’action en trois volets pour lutter contre les avortements clandestins. En commençant par libéraliser l’avortement en cas de viol, inceste, grave malformation foetale ou quand la mère souffre d’une maladie mentale.

Et parce que cette libéralisation ne permettrait pas à toutes les femmes d’avorter, Houcine El Ouardi a déclaré qu’il fallait « faciliter l’accès des femmes victimes de l’avortement clandestin aux prestations de santé reproductive sans aucune crainte d’être poursuivies, et améliorer la qualité de la prise en charge des complications ».  Enfin, le ministre a indiqué que le troisième axe du plan du ministère était la sensibilisation, et notamment à travers l’éducation sexuelle dans les écoles.

Rencontre Nationale Sur L'avortement
De gauche à droite : Mohamed Sebbar, Mohamed Fizazi, Houcine El Ouardi et Mustapha Benhamza. Crédit: Rachid Tniouni

« Il faut parler de droits sexuels, sans tabou »

C’est aussi sur l’éducation sexuelle que Aïcha Ech Chenna, qui parlait après le ministre, a axé son discours. Si la présidente et fondatrice de l’association Solidarité féminine, qui aide les mères célibataires, a appelé à une réforme de la loi, et aussi à davantage de sensibilisation, elle a mis l’accent sur l’importance de l’éducation sexuelle. La militante n’a pas mâché ses mots. « Je ne veux pas parler des droits de l’Homme : pour discuter l’avortement, il faut parler de droits sexuels, sans tabou », a-t-elle précisé avant interpeller les ouléma, les appelant à jouer un rôle dans l’éducation sexuelle des Marocains. Aïcha Ech Chenna a ainsi demandé aux autorités religieuses de discuter avec les fidèles des « versets du Coran qui évoquent le sexe ».

« Les réponses au problème de l’avortement sont dans le Coran »

Ce à quoi Mustapha Benhamza, président du Conseil des ouléma d’Oujda a indirectement rétorqué, quelques minutes plus tard, que « les réponses au problème de l’avortement sont dans le Coran, les paroles du prophète Mohammed et dans l’éducation islamique », juste après avoir appelé à « s’éloigner de l’extrémisme, soit religieux, soit antireligieux ». Le théologien a ensuite rappelé que l’islam interdisait l’avortement à moins que la vie de la mère ne soit en danger, tout en indiquant que ce débat était important. Mustapha Benhamza s’est dit très heureux d’avoir été invité à en discuter et a remarqué qu’exclure « les ouléma » des débats sur l’avortement était « une grosse erreur ». « Il faut dire, a reconnu Mohamed Sebbar, secrétaire général du Conseil national des droits de l’Homme, qu’il n’est pas facile de parler aux Marocains de l’avortement, légal ou clandestin : il faut être conscient que c’est un débat choquant, et qu’il est difficile d’en faire le tour en une journée de discussion ». Il a ensuite appelé les ouléma à « moderniser la religion, sans rejeter la science et en s’adaptant aux changements de la société ». Comme Houcine El Ouardi, Mohamed Sebbar a ensuite estimé qu’une législation restrictive ne fait qu’augmenter le nombre d’avortements clandestins.

Une réforme très urgente pour Saâdeddine El Othmani

Un avis également partagé par Saâdeddine El Othmani. Le président du conseil national du PJD a déploré le coût social « très élevé » de l’avortement clandestin au Maroc, évoquant la dangerosité des avortements « traditionnels » pratiqués en dehors du cadre médical. Il a à nouveau indiqué qu’il était pour une réforme de la loi, permettant l’avortement en cas de viol, inceste, malformation fœtale, etc. Et d’ajouter que cette réforme était « très urgente ». Finalement, l’homme à l’origine de la polémique qui a fait remonter le sujet sur le devant de la scène, le Pr Chafik Chraïbi, a pris la parole. Le président et fondateur de l’Association marocaine contre l’avortement clandestin (Amlac) a exprimé son désaccord avec les chiffres donnés par le ministre de la Santé, estimant que le nombre de morts causées par des avortements clandestins était bien plus élevé. Selon l’Amlac, entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour.

Rencontre nationale sur l'avortement
Houcine el Ouardi et Chafik Chraïbi, tout sourire. Crédit : Rachid Tniouni

Le Pr Chraïbi a été démis de ses fonctions de chef de service de la maternité des Orangers de Rabat après le tournage d’un reportage sur l’avortement diffusé sur la chaîne France 2 en décembre 2014. La polémique soulevée par sa mise à l’écart semble finalement avoir servi à faire avancer un débat au point mort depuis plusieurs années. Le ministre de la Santé a ainsi assuré à Telquel.ma le 3 mars dernier qu’une commission mixte constituée de membres des ministères de la Santé, de la Justice, mais aussi de représentants du Conseil des ouléma travaillait « depuis plusieurs mois » à réviser le Code pénal. Le médecin devrait se voir restituer son poste dans les semaines qui viennent.

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  • Il y a deux visions de l’avortement :

    1) La vision progressiste, qui permet à une fille d’éviter
    d’être
    mère dans de trop mauvaises conditions pour elle et pour l’enfant
    (viol, trop grande précarité sociale…). Un avortement dont le droit à
    la récidive devrait être contrôlé, pour qu’une liberté acquise ne
    tourne pas au droit à l’irresponsabilité menant au meurtre de masse.

    2)
    La vision réactionnaire, celle du « mon corps m’appartient » de la
    femme dégradée en jouisseuse consommatrice qui, ne voulant pas voir plus
    loin que ses désirs individualistes conçus comme des droits (c’est mon
    choix), a perdu tout sens du devoir ; tout sens du lien de l’enfantement
    avec le sacré (donner la vie) et le collectif (perpétuer l’espèce).