Elle est terrible, la peur de la liberté. Elle paralyse tout un pays. Sous nos cieux bénis, cette peur fait taire un drame qui frappe chaque jour des centaines de femmes. Victimes d’avortement clandestin, elles meurent dans l’indifférence générale. « Elle n’avait qu’à garder l’enfant », entend-on chez les moralisateurs. Mais une femme qui veut avorter, avortera et souvent dans des conditions désastreuses pour elle, répond l’expérience du Dr Chafik Chraibi. Accorder ce choix aux femmes c’est les protéger. Un argument qui peut rassurer ceux et celles, les plus vertueux d’entre nous, qui ont peur que cette liberté de choisir conduise à lâcher la bride à la dépravation dans la société. Il est temps d’aller au-delà des arguments sanitaires : l’avortement est un acte de douleur, mais il est surtout un droit. Il est temps aussi que les lames aiguisées de la réprobation ne s’abattent plus sur celles qui font le choix d’avorter, majoritairement sans gaité de cœur comme l’a rappelé Simone Veil. Cette « conviction de femme » n’a pas été défendue par la ministre concernée, Bassima Hakkaoui, mais d’autres membres de son parti ont fait honneur à ce combat. Depuis le 16 mars, de réels espoirs sont permis, car un agenda a été fixé au plus haut sommet de l’Etat. Certains, frileux jusque-là, applaudissent l’ouverture du débat sur l’avortement, car il est porté par le roi. On les entend déjà clamer « Lay nsar sidna ! », peu importe pourquoi. D’autres, convaincus par la nécessité de la réforme, mais rétifs à l’interventionnisme du palais, critiquent avant même qu’elles soient faites ces propositions « exigées ». A tous, il faut rappeler qu’il s’agit pour nous, les femmes de ce pays, de se battre pour notre droit fondamental à disposer de notre corps. Au-delà des clivages, le combat pour la légalisation de l’avortement est juste, il donne la liberté de choisir aux femmes et la chance à des enfants de naître en étant désirés.
Retrouvez le dossier Avortement, Légalisez ! dans le numéro 661 de TelQuel. En kiosque du 20 au 26 mars 2015.