C’était il y a quatre ans, le 9 mars 2011, Mohammed VI prononçait un discours succinct, mais certainement l’un des plus importants de son règne. Il y annonce des réformes majeures, une régionalisation poussée et surtout l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Les plus enthousiastes crient au « discours historique » et à « la révolution tranquille », et les sceptiques reconnaissent, même du bout des lèvres, qu’il s’agit d’une avancée politique. Quatre ans plus tard, le Printemps arabe n’est plus qu’un doux souvenir, la vague de contestation s’est arrêtée, mais les mots du discours du 9 mars et la Constitution qu’il avait annoncée sont toujours là. L’heure est donc au bilan et au retour sur le chemin parcouru depuis cette date.
La Constitution actuelle porte les stigmates de sa naissance. Elle est le résultat d’un contexte politique et régional particulier, et son adoption exprime un rapport de force qui a changé depuis. L’initiative du roi, à travers le discours du 9 mars, traduisait l’une des forces de la monarchie marocaine : sa plasticité, sa capacité à s’adapter et à multiplier les tactiques de désamorçage quand il le faut, sans donner l’impression de plier sous la pression. Dans cette Constitution, on retrouve les effets de ce choix. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’élargissement des compétences du Chef de gouvernement et du parlement, la clarification du statut de Commandeur des croyants et l’affirmation de la place des élections comme voie principale vers l’exercice du pouvoir exécutif. La monarchie cède sur certaines attributions, tout en gardant le contrôle des orientations stratégiques du pays. La loi suprême apparaît dans ce sens comme un outil de transition et d’apprentissage. Elle est supérieure aux autres textes constitutionnels que le Maroc a connu depuis l’indépendance, mais reste en deçà des espérances, notamment au niveau de la mise en place d’une vraie monarchie parlementaire. Cette transition vers une véritable démocratie ne pourrait être possible qu’à travers l’exercice effectif des pouvoirs par le gouvernement et le parlement et la concrétisation de tous les principes et droits consacrés par la Constitution. Mais pour cela, il faut une élite politique capable de défendre son indépendance et son autonomie. Une élite soucieuse de traduire les énoncés constitutionnels sur le terrain. Car la Constitution, comme toutes les lois, n’est qu’un bout de papier, sans intérêt ni effet, si elle n’est pas portée par des hommes et des femmes qui s’accaparent de son esprit et veillent à son respect. Or, c’est là où le bât blesse. Le bilan apparaît comme terne et mitigé : notre élite n’a pas été au niveau et on retombe dans les mêmes travers d’antan.