Les câbles des services secrets sud-africains révélés par Al Jazeera et le journal britannique The Guardian sous le nom de Spy Cables jettent un éclairage nouveau sur la crise diplomatique qui a éclaté entre Rabat et Téhéran en 2008, en cours de résolution (l’Iran a nommé un ambassadeur à Rabat le 20 décembre dernier). Un article du quotidien britannique The Guardian met notamment à jour l’activisme des renseignements iraniens de par le monde. Pour autant, les documents Spy Cables relatés par The Guardian ne donnent pas d’éléments sur les activités des agents iraniens.
En outre, un échange entre espions sud-africains et émiratis de novembre 2014 minore l’implication de Téhéran sur le continent africain : « L’implication iranienne actuelle sur le continent [africain] n’est pas aussi constante ou solide qu’on le croit généralement, parce que l’Afrique est plutôt au bas de la liste des priorités de l’Iran. » De quoi relativiser l’image d’une république islamique d’Iran galvanisant des troupes chiites aux quatre coins du monde.
Cependant, ce même échange diplomatique confirme que c’est bien la présence (même toute relative) de communautés chiites qui oriente les choix de la présence d’agents de renseignement iraniens :
L’influence iranienne en Afrique est limitée aux régions où se trouvent des communautés chiites substantielles : la Tanzanie, Zanzibar, l’Éthiopie, le Nigeria, le Maroc, le Sénégal, la Mauritanie, le Niger et la Guinée.
Communauté chiite : le mea culpa iranien
D’autres documents confidentiels, ceux publiés par le compte anonyme Twitter Chris Coleman, permettent eux de connaître les conditions du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays.
Le 6 février 2014, une note de Nasser Bourita, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, relate l’entretien téléphonique reçu deux jours plus tôt par Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères, de la part de son homologue iranien Mohamed Javad Zarif. Un coup de fil au cours duquel les deux hommes sont revenus sur les causes qui ont poussé le Maroc à geler ses relations diplomatiques avec l’Iran, en des termes toutefois très diplomatiques et circonstanciés. Le ministre iranien a exprimé ses regrets pour ce gel, témoignant de surcroît de son respect pour le monarchie marocaine et ses fondamentaux. Et Salaheddine Mezouar lui a répondu que la relation nouvelle entre les deux pays se ferait sur la base de la non-ingérence dans les affaires de l’autre, que ce soit en matière culturelle, civilisationnelle ou religieuse.
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En clair, Téhéran a fait amende honorable pour son action auprès de la communauté chiite au Maroc, en échange de quoi le gouvernement a passé l’éponge, rassuré sur sa main mise sur la communauté chiite du royaume. Pour rappel, en 2009, le ministère des Affaires étrangères avait dénoncé « l’activisme avéré des autorités [de l’Iran], et notamment de ses représentants à Rabat, qui cherchent à miner les fondements religieux du Royaume, d’altérer les fondations religieuses du Maroc et de l’identité ancestrale du peuple du Maroc et de désunir les musulmans de rite sunnite malikite au Maroc, dont le roi Mohammed VI est garant, en tant que commandant des croyants. »
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Le Maroc soucieux de ménager les pays du Golfe et les États-Unis
Mais ce gel des relations diplomatiques n’a été que partiel, nous apprend le document, qui rappelle que durant la période de 2009 à 2014, des rencontres non officielles entre diplomates ont eu lieu dans les capitales internationales au niveau des ambassades des deux pays.
Un autre document, rédigé vraisemblablement dans le courant de l’année 2014, sans plus de précisions, révélé par Chris Coleman témoigne des conciliabules menés, côté marocain, pour organiser le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Iran. Dans ce document, qui formule des suggestions destinées à être validées, on apprend notamment que :
• le rétablissement de ces relations n’est envisagé qu’en « [tenant] d’urgence une réunion avec les ambassades d’Arabie saoudite, Bahreïn, Koweït et États-Unis d’Amérique, pour expliquer le contexte et la portée de la décision marocaine » ;
• pour le choix des locaux de la prochaine ambassade marocaine à Téhéran, le document prévoit qu’il s’agit d’une mission à confier de préférence à l’ambassade du Maroc en Azerbaïdjan, non seulement parce que c’est la plus proche, mais aussi par cela permettrait « d’éviter d’éventuelles susceptibilités politiques liées à la gestion avec l’Iran à travers l’une des ambassades du Maroc dans les pays du Golfe » ;
• le Maroc n’était pas pressé de se réconcilier trop vite : « la reprise des relations avec l’Iran devra se faire d’une manière graduelle. La réouverture de l’ambassade d’Iran à Rabat se ferait de manière progressive, qui commencerait par l’ouverture d’une section administrative réduite » ;
• cette fois, Rabat entend limiter la présence de diplomates et agents de renseignement sur son sol, histoire de s’assurer que sa communauté chiite ne lui échappe pas : « les circonstances ayant contribué à la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran en 2009, devront être évitées. En particulier, le Maroc devra veiller à ce que l’ambassade iranienne à Rabat soit maintenue dans des effectifs raisonnables. »
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