Les chiites marocains inquiets face à la montée de l'intolérance

Personne n'en parle. Les Marocains chiites se sentent tous les jours un peu plus menacés par des discours qu'ils jugent simplistes et agressifs.

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Des chiites commémorent la mort d'Hussein lors d'une marche à Saint-Denis près de Paris en 2010. Crédit : DR / Photo d'illustration

Un membre d’Al Khat Rissali, une structure qui regroupe des chiites marocains, alertait il y a peu sur son compte Facebook, au sujet d’une conférence annoncée pour la fin novembre à Marrakech par une fondation religieuse, Al Chorouq, au sujet de la « aqida », les fondements de la croyance chiite. A ses yeux, ce type de conférence propage un discours de haine, ou du moins véhicule des images faussées du chiisme.

Pourtant, contactée par Telquel.ma, une source au sein de la fondation se veut rassurante : « Le titre de la conférence est très clair : il s’agit simplement de présenter la ‘aqida chiite' ». Mais l’homme concède néanmoins qu’il considère « qu’au Maroc, les musulmans sont sunnites« , et il avoue s’inquiéter du « prosélytisme chiite« .

Des réseaux sociaux à la rue ?

Une réponse qui ne suffit pas aux chiites du royaume, dont l’inquiétude semble dorénavant profondément ancrée. Il faut dire que sur les réseaux sociaux, les attaques sont régulières, depuis plusieurs semaines, à l’encontre des chiites marocains, qui se voient accusés de propager un dogme contraire à l’islam. Des menaces « online » qui s’accompagnent aussi d’actes plus inquiétants.

« Il y a quelques semaines, j’ai été réveillé un peu après minuit par un appel anonyme. On m’a menacé, insulté et c’est ma confession qui était accusée et attaquée, le tout en utilisant un langage religieux« , nous assure Mohamed Aboaya, de confession chiite et membre de Al Khat Rissali. Pire, selon des membres de l’association, une figure de la communauté chiite marocaine à l’étranger, le cheikh Nour Al Houda, a été physiquement intimidé par des salafistes, au début du mois de novembre, alors qu’il était en déplacement à Tétouan.

Selon Aboaya, le conflit syrien, dans le cadre duquel les appartenances confessionnelles sont manipulées par différentes parties, a favorisé cette tension. « Ces vidéos, ces livres, ces photos qui propagent des messages de haine circulent sur le web et sont donc accessibles très facilement au Maroc« . Il faut donc « vite amorcer un dialogue« , estime Mohamed Aboaya. Et de citer en exemple la « disponibilité et la capacité à la rencontre et au dialogue de cheikh Abou Hafs« , un cheikh salafiste emprisonné en 2002 puis gracié en 2012, et qui a ensuite rejoint le parti islamiste Renaissance et Vertu.

En attendant, les deux parties semblent sûres de leur bon droit. Pour l’une, les autorités devraient intervenir pour empêcher une « contestation » du credo sunnite, pour l’autre, elles devraient combattre des discours perçus comme haineux.

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