Il est 10 heures tapantes ce samedi matin au complexe Foot Angels, situé dans le quartier industriel de Lissasfa à Casablanca. C’est la première séance d’entraînement programmée dans la nouvelle école de football sous label du FC Barcelone, officiellement inaugurée le 12 février. L’équipe des 8-10 ans est déjà sur le terrain. Ici, on ne badine pas avec la ponctualité. Un coach espagnol dépêché par le club catalan est accompagné d’un entraîneur marocain pour encadrer les enfants. Au menu du jour, une séance de renforcement technique et de positionnement sur le terrain. Dans un anglais accessible, traduit simultanément par son alter ego marocain, il s’adresse aux enfants qui l’écoutent religieusement : « Dès que l’équipe adverse récupère le ballon, tout le monde doit se repositionner pour ajouter du nombre et faire du pressing ».
D’Arsenal au Barça
Depuis son bureau situé au rez-de-chaussée, le directeur de la FCB Escola, Gabriel Hicham Guedira, suit la séance d’entraînement avec un regard d’expert. Diplômé du second degré de la fédération anglaise de football et titulaire du diplôme européen de préparation physique, Gabriel Guedira a fait ses armes au sein du club de Grenoble Foot 38 avant de s’envoler pour l’Angleterre où il a travaillé au sein du prestigieux club d’Arsenal. « Comme les Gunners sont un grand club formateur, j’ai saisi l’opportunité de participer au développement des antennes du club dans la zone MENA. C’est ainsi que je me suis retrouvé à diriger l’Arsenal Soccer School de Casablanca », nous confie-t-il.
Une expérience qui a vite tourné au vinaigre. « Le projet de l’Arsenal School a pris l’eau parce qu’on a changé plusieurs fois de terrain avant de finir par jeter l’éponge. Il n’était plus possible de continuer parce que la plupart des stades appartiennent à la ville et les terrains sont hors de prix. Aujourd’hui, un promoteur préfère investir dans l’immobilier que dans un complexe sportif », explique Gabriel Guedira, qui a quitté le club d’Arsenal pour se lancer dans une nouvelle aventure avec le club catalan.
Très cher Barça
Inutile de préciser que pour décrocher le précieux label blaugrana, il faut casser sa tirelire. Après 26 mois de négociations, la société Foot Angels a signé un contrat avec le club catalan moyennant un droit d’entrée de 500 000 euros. « En vertu de cet accord, l’antenne marocaine bénéficie du savoir-faire du club catalan en termes de formation, s’octroie le droit d’exploiter la marque FC Barcelone, sans oublier que le club espagnol est prioritaire concernant le transfert des perles rares », détaille le directeur du club. Ainsi, au mois de janvier, des coachs espagnols se sont déplacés à Casablanca pour choisir les meilleurs parmi 1 000 candidats âgés de 5 à 15 ans venus de plusieurs villes du royaume. Seuls 300 ont été sélectionnés pour intégrer l’école, répartis en six catégories.
Pour bénéficier de la formation du FCB Escola, il faut s’acquitter d’un droit d’entrée de 2000 dirhams, en plus de 950 dirhams pour les équipements et 7000 dirhams de frais annuels. La fin du football comme sport des classes populaires ? Gabriel Guedira modère le propos : « Nous avons sponsorisé 30 enfants issus des quartiers populaires qui ont une chance d’accéder à l’école, à condition d’être au-dessus du lot. D’un point de vue physique, ces enfants, du fait qu’ils jouent dans la rue très tôt, ont des aptitudes précoces très développées contrairement aux autres enfants qui sont davantage scotchés devant leur PC ou leur console ».
Des dénicheurs de talents à Derb Soltane, Sbata…
Pour garder un œil sur le vivier de bons joueurs que représentent les terrains des quartiers populaires, Gabriel emploie à mi-temps des dénicheurs de talents qui suivent les matchs sur les terrains d’El Fida Derb soltane, Sbata, Aïn Sebaâ et le quartier Bourgogne. « Nous avons déjà un gardien de but originaire de Khouribga et un attaquant qui est probablement le plus talentueux de sa génération. Ils auront leur mot à dire à l’avenir », affirme le directeur.
Foot business
En visitant les infrastructures du club, composé pour le moment des vestiaires, d’une salle de kinésithérapie et de locaux administratifs, le directeur du complexe nous détaille ses ambitions pour développer l’école : « En plus de renforcer nos infrastructures, nous allons commencer une formation de sport-études à partir de septembre prochain. Les enfants pourront passer la journée au centre et rentrer chez eux le soir, sauf pour les plus méritants et qui sont originaires des autres villes ». Gabriel Guedira fait partie de cette nouvelle génération convaincue que seule l’approche business permettra au sport marocain de décoller.
Il est midi, la séance d’entraînement touche à sa fin. Mokhtar et son épouse n’ont pas lâché leur fils Nawfal des yeux. Le père, fervent supporter du Real Madrid, a accédé à la demande de son fils, un mordu des Blaugrana : « Je l’ai inscrit ici parce qu’il aime le Barça et parce que je veux qu’il canalise son énergie pour lui éviter une adolescence difficile. S’il a suffisamment de talent pour faire une carrière, je respecterai son choix ». Un discours qui cache à peine l’inquiétude des parents face à la régression du sport scolaire et du manque d’infrastructures sportives de bon niveau.
Flairant ce business juteux, plusieurs écoles se prétendant affiliées à des grands clubs comme le PSG, l’AC Milan ou le Manchester United ont ouvert leurs portes. En réalité, elles n’ont rien à voir ces clubs emblématiques dont les noms servent seulement d’attrape-nigauds. « Pour le moment, il n’existe aucun cadre juridique pour les écoles privées de football qui ne sont pas reconnues par la fédération. Heureusement, le nouveau directeur technique national (DTN), Nacer Larguet, a mis en place des cahiers des charges qui exigent que l’école soit constituée sous forme d’une société adossée à une association », précise Gabriel Guedira, avant de conclure : « Dans le football moderne, un joueur doit être capable de courir 9 kilomètres en moyenne par match et 15 mètres en 2 secondes s’il est attaquant. Sans oublier qu’il faut cumuler 10 000 heures de pratiques. Nos jeunes ont le talent qu’il faut mais la formation et l’environnement familial et scolaire doivent être revus de fond en comble ».
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