Mais que pense Zakaria Boualem de Zina Daoudia ?

Par Réda Allali

Zakaria Boualem adore observer notre pays en proie à des convulsions d’ordre moral. Rappelons que la chanteuse a sorti un single qui a fait grand bruit, intitulé sobrement A3tini saki bagha n’maki. Elle y chante le projet de se maquiller pour faire tourner la tête de tous les hommes. Elle donne même des détails sur son intention d’utiliser le wi-fi, et expose sans complexe ses armes : un rouge à lèvres vermillon et une chevelure blonde d’adoption. Zakaria Boualem n’y a rien vu de bien choquant, si ce n’est ce rythme khaliji qui l’horripile depuis des années. Il faut préciser qu’en toute fin de chanson, la demoiselle lance cette phrase sibylline : « Je connais mes limites », qu’on a du mal à interpréter sans déraper dans cette chronique. Cette tentative de dernière minute n’a pas suffi, puisqu’aussitôt, les Marocains, unis comme un seul homme, se sont levés pour protester contre cette intolérable atteinte à leur dignité nationale.

A lire nos commentaires, on a l’impression que nous baignons dans un océan de vertu, c’est formidable. La critique la plus commune qui traîne dans les réseaux sociaux, c’est que cette chanteuse « ne représente pas les Marocaines ». Zakaria Boualem ignore où nous sommes allés dénicher cette idée que chaque Marocain, dans ses productions publiques, doit représenter tous les Marocains, c’est une question qu’il se pose depuis des années. Il imagine régulièrement des Américains s’insurger parce que Don Corleone ou une actrice de divertissement pour adulte ne les représentent pas, ça le fait rire. Bon, avançons. Le héros de cette page voudrait dédicacer à ces grognons censeurs une petite chanson. Il s’agit d’un morceau de Cheb Aziz Taxieur et Leila El Guercifia, sortie en 2009 et totalisant fièrement presque un demi-million de vues sur YouTube. Vous le trouverez sans effort si vous cherchez un peu. Voici une traduction approximative du dialogue entre les susnommés.

– Cheb Aziz Taxieur : « Laisse ta porte ouverte, je compte passer la nuit, tu me connais, les filles me rendent fou

– Leila El Guercifia : Ma maison est la tienne, sois le bienvenu, si tu trouves le verrou, frappe et je t’ouvrirai mon chou

– J’ai peur que les voisins me voient, qu’ils le répètent à ma femme, et qu’elle en fasse tout un fromage

– Attends le milieu de la nuit, que tout le monde dorme, ne viens pas en voiture, tu feras moins 
de tapage

– Je vais venir en bus, terminer à pied, si on se fait arrêter par les flics, dis-leur que je suis ton mari

– Ne crains ni les gendarmes ni les policiers, mon oncle est commissaire, il règlera ça sans soucis

– J’amènerai avec moi du coca et des jus, à moins que je n’opte pour quelques bières et de la vodka

– Je ne veux pas boire, prends-en juste pour toi, par contre je voudrais bien quelques brochettes et un peu de kefta. »

Le tout échangé avec force sourires, dans la bonne humeur, ils font plaisir à voir ces deux-là, que Dieu leur rallonge la vie. Il faut bien se rendre compte que la traduction affaiblit considérablement la poésie du texte original. Il y a une bonne demi-douzaine d’infractions au Code pénal dans le petit texte de cette chanson, vous pouvez vous amuser à les chercher, c’est drôle. Voilà, Zakaria Boualem voulait partager avec vous ce petit moment de poésie, nous en avions bien besoin en ces temps ténébreux.  Vive Aziz Taxieur, Leila El Guercifi,  Zina Daoudia, et merci.