En politique monétaire, on considère généralement qu’un changement de taux directeur, pour être efficace, doit être à la fois inattendu, d’ampleur, et être pris en pleine indépendance.
Le banquier central du royaume, Abdellatif Jouahri, fort d’une liberté de ton maintenant reconnue, au fil de ses différentes prises de position (comme en juin dernier lorsqu’il a remis un rapport annuel 2013 sans faux-semblants au roi, s’inquiétant notamment alors de la hausse du chômage) a surpris le monde des affaires en annonçant mardi 16 décembre une nouvelle baisse du taux directeur de BAM.
Le matin même, le quotidien L’économiste sortait en kiosque en publiant que « toute nouvelle manipulation [du taux directeur] semble prématurée », comprenant même que la dernière déclaration de Jouahri « porte à croire que le conseil de Bank Al Maghrib qui tient aujourd’hui 16 décembre sa dernière réunion de l’année, devrait garder inchangé le taux mère, trois mois après sa baisse à 2,75 % ».
La double menace du chômage et de la déflation
Un sens de la surprise qui avait déjà permis au wali de BAM de prendre de court le monde de la finance en octobre 2012, lorsqu’il avait par contre maintenu contre toute attente le taux directeur à 3 %.
Cette fois, le coup de théâtre d’Abdellatif Jouahri en dit long sur l’inquiétude de la BAM quant à la conjoncture économique du royaume. D’autant que le taux de 2,75 % attribué au taux directeur en septembre dernier était déjà un record historiquement bas.
En décidant mardi 16 septembre de réduire de 25 points de base le taux directeur, le conseil de la BAM a notamment justifié sa décision par le fait que le chômage, en hausse, atteint désormais 9,5 % de la population active. S’il a assuré que la situation économique restait sous contrôle, Abdellatif Jouahri ne s’est pas privé de s’alarmer du niveau faible de l’inflation, qui sur les 10 premiers mois de l’année s’est étiolée à 0,3 %, contre 2,1 % sur la même période en 2013. Le risque de déflation, pointé récemment d’un doigt alarmiste par Lahbib El Malki, directeur du centre marocain de conjoncture, est bien au cœur des préoccupations de la banque centrale.
D’autant que le déficit public semble en voie de résorption pour Abdellatif Jouahri, qui a annoncé qu’il passerait à 4,3 % du PIB en 2015, contre 4,9 % sur l’exercice 2014. Le signal envoyé aux banques est des plus clairs : il est plus que jamais opportun de financer l’activité économique, tant le loyer de l’argent est bon marché. Jusqu’à présent, c’est plutôt par toujours plus de frilosité que les institutions bancaires ont réagi aux différentes baisses du taux directeur, notamment en raison d’un manque chronique de liquidités.
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