«L’avenir de l’homme est la femme, elle est la couleur de son âme, elle est sa rumeur et son bruit », écrivait Louis Aragon dans Le fou d’Elsa, son célèbre recueil de poèmes. Cette citation de l’écrivain français, reprise à l’infini dans le cinéma, la musique et les slogans publicitaires, est loin d’être fausse ou impertinente en ce qui concerne notre pays. Car on peut affirmer, sans emphase ni démagogie, que « la femme est l’avenir du Maroc». Il ne s’agit pas ici d’une assertion galante ou d’un excès de féminisme, mais plutôt d’un constat objectif et une analyse froide d’une révolution culturelle et démographique que le Maroc est en train de vivre et connaître. Il ne s’agit pas non plus de dire que le Maroc sera meilleur ou pire en raison de cette évolution, loin de là. Tout d’abord, il y a un fait démographique : depuis le milieu des années 1990, le nombre de femmes au Maroc dépasse légèrement celui des hommes. Elles représentent aujourd’hui 51% de la population. Un pourcentage irréversible pendant les décennies à venir, selon les différentes projections statistiques fournies par le Haut commissariat au plan (HCP). Mais au-delà de ce virage démographique, il y a une révolution qui se déroule, dont le principal instrument est l’école. Les femmes accèdent de plus en plus massivement à l’éducation et la scolarisation des jeunes filles, y compris dans le monde rural, est généralisée. Les nouvelles générations de Marocaines feront oublier le souvenir de leurs grands-mères, frappées malheureusement par un analphabétisme massif qui a retardé leur émancipation. Quand on creuse un peu au niveau de l’éducation des femmes au Maroc, on constate un phénomène qui bouleverse les rapports de pouvoir avec les hommes et mène notre société vers une transformation majeure. C’est ainsi que l’on observe que les filles se dirigent plus vers des études de gestion, de commerce, d’économie, de médecine et de langues. Quelques chiffres étayent ce constat : les filles représentent 57% des étudiants en commerce et gestion, 54% en droit et économie, 55% en lettres et 63% en médecine.
Autre chiffre : le pourcentage des stagiaires de sexe féminin en commerce et en gestion atteint 65% ! Or, ce sont ces formations et domaines qui sont au cœur du développement économique du royaume et leur essor conditionne sa croissance. La production économique au Maroc repose de plus en plus sur les services, qui représentent 55% du PIB national, loin devant l’agriculture et l’industrie. Les femmes, de par leur représentativité et poids numérique dans ces secteurs, seront inexorablement la locomotive de l’économie marocaine. Ni le machisme ambiant, ni les discriminations qui persistent encore ne peuvent arrêter ce mouvement de fond de la société. C’est à ce changement que nous assistons, de nos jours, quand on regarde l’accès progressif des femmes aux postes de décision dans les entreprises privées et au sein de la fonction publique. Un changement qui tord le cou aux clichés poussiéreux et aux préjugés rances sur les femmes. Et c’est tant mieux.