Comment faire pour bénéficier de l’indemnité pour perte d’emploi?

L’indemnité pour perte d’emploi entre en vigueur le 1er décembre. Retour sur les conditions d’octroi et la nature de cette aide.

Par

Yassine Toumi/TelQuel

Après douze ans de négociation, l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE) a été promulguée en septembre dernier et entre en vigueur le 1er décembre. La CNSS, qui délivrera cette aide, est sur les starting block et finalise la formation de ses équipes. Ses responsables martèlent qu’il ne faut pas la confondre avec une allocation chômage, comme on peut en trouver à l’étranger. Elle est destinée « aux personnes qui ont eu un accident de parcours professionnel pour les aider à réintégrer le marché du travail », a expliqué Omar Souabni, chargé de la communication de la CNSS lors d’une conférence organisée le 21 novembre à la Chambre française de commerce et d’industrie. Pour en bénéficier, « il ne faut pas être dans la passivité mais être en recherche active d’emploi », ajoute son collègue Abdelhamid Azouaoui, directeur des prestations familiales et sociales.

Qui peut y prétendre ?

Comme toute aide, il faut répondre à plusieurs critères pour en bénéficier. Tout d’abord, la personne doit avoir perdu son travail de manière involontaire. Ensuite, elle doit avoir travaillé au moins 780 jours pendant les trois dernières années, dont 260 jours pendant la dernière année. Enfin, elle doit être inscrite à l’ANAPEC. D’après les estimations, 34 000 personnes par an pourraient être concernées. Une personne peut bénéficier d’une IPE plusieurs fois, si elle travaille à nouveau puis reperd son emploi.

Lire aussi : « Le chômage augmente, surtout chez les jeunes »

Comment faire pour en bénéficier ?

La personne éligible au dispositif doit se rendre dans n’importe quelle agence de la CNSS (y compris agences mobiles, pour les zones rurales) au maximum deux mois après la perte de son emploi. Elle doit fournir une déclaration de perte d’emploi, que l’institution transmet le jour même à l’ANAPEC pour que celle-ci enregistre son inscription. « Nous avons essayé de limiter les démarches pour ne pas compliquer la vie de quelqu’un qui vient de perdre son emploi. L’idée est de soulager l’assuré », explique Abdelhamid Azouaoui. Ensuite, la personne doit fournir une déclaration de l’employeur. S’il est impossible de le retrouver, la CNSS s’aidera d’informations récupérées auprès de l’inspection du travail ou sur le terrain.

A combien s’élève l’aide ?

L’IPE est calculée à partir d’un salaire de référence. Il s’agit du salaire moyen perçu pendant les 36 derniers mois. L’IPE est de 70 % de ce salaire de référence, mais ne peut pas dépasser le  Smig. Elle est versée pendant six mois maximum à partir de la date de perte d’emploi (et non à partir de la déclaration à la CNSS). Pendant cette période, le bénéficiaire garde son droit à la couverture médicale et aux allocations familiales. A cette aide financière doit s’ajouter un accompagnement de la part de l’ANAPEC et de l’OFPPT.

Comment est-elle versée ?

L’IPE est versée tous les mois, par virement si la personne est bancarisée, ou par mise à disposition auprès d’une agence BMCE si ce n’est pas le cas. La somme versée n’est pas exportable, contrairement aux pensions de retraite par exemple, étant donné que cette aide est censée aider un retour à l’emploi au Maroc.

A partir de quand peut-on en bénéficier ?

L’IPE n’a pas d’effet rétroactif avant son entrée en vigueur du 1er décembre. Autrement dit, ceux qui ont perdu leur emploi avant le 1er décembre ne peuvent pas bénéficier cette aide. Dans l’absolu, si un salarié est licencié le 1er décembre, qu’il entame les démarches le 2 décembre, il pourra recevoir une IPE pour le mois de décembre.

Comment l’IPE est-elle financée ?

Cette nouvelle indemnité est financée par les cotisations et un fonds d’amorçage pour permettre aux salariés d’en bénéficier dès maintenant, et ne pas attendre d’avoir collecté suffisamment de cotisations. Ce fonds financé par l’Etat est de 500 millions de dirhams, versés à la CNSS sur trois ans. Pour ce qui est de la cotisation, elle est de 0,57 % du salaire (plafonné de 6000 dirhams), dont les deux tiers assurés par l’entreprise et le tiers restant par l’employé. Ces cotisations sont estimées à 450 millions de dirhams par an environ.

Quelles conséquences pour l’entreprise ?

Au regard des nombreuses questions posées lors de la rencontre du 21 novembre par des responsables des ressources humaines notamment, les entreprises craignent que cette nouveauté leur complique la vie, dans l’établissement de la feuille de paie notamment. Saïd Ahmidouch, directeur général de la CNSS avait déjà martelé qu’il ne s’agissait pas « d’une usine à gaz » et Omar Souabni l’a rappelé : « cela ne va pas bouleverser la façon de faire des entreprises ». Concrètement, en face de la ligne prestations sociales, le chiffre sera juste augmenté de 0,57 %, passant de 12,89 % à 13,36 %. Un document sera envoyé la semaine prochaine aux entreprises « pour ne pas qu’elles soient surprises », assurent les responsables de la CNSS.

Le montant de l’IPE a-t-il vocation à augmenter ?

Lors du conseil d’administration de la CNSS qui a voté l’introduction de l’IPE, les membres se sont accordés sur « une progressivité » du dispositif. Une évaluation sera réalisée dans deux ans, à partir de laquelle le montant de l’IPE sera peut-être augmenté. Si certains regrettent déjà son montant et auraient aimé qu’il soit plus élevé, « c’est une révolution », remarque quand même Nawal Ghaouti, avocate et modératrice de l’événement. « On aimerait bien financer 6 000 voire 10 000 dirhams d’IPE mais qui va les financer ? », justifie Omar Souabni.

Ce qui risque de poser problème :

Lors de la conférence du 20 novembre, plusieurs intervenants regrettent le caractère trop flou de « perte involontaire » d’emploi, qualifiée par la CNSS comme étant un départ qui n’est pas « une démission, un départ volontaire ou un abandon de poste ». Nawal Ghaouti, explique notamment : « Quand il y a une véritable faute du salarié, comme un vol par exemple, c’est comme s’il avait rompu de manière volontaire, indirectement », alors que c’est l’employeur qui le licencie. On imagine que le fait inverse peut aussi poser problème, dans le cas d’un salarié qui est poussé à partir par la force. La CNSS tente de rassurer : « Si l’employeur refuse de délivrer la déclaration [établissant que le salarié est partit involontairement, ndlr], et que l’employé ne peut donc pas bénéficier de l’IPE, il peut toujours faire un recours administratif auprès de la CNSS, une commission statuera et on essayera d’être au plus près de ce qui est juste », précise Abdelhamid Azouaoui.

Lire aussi : « Salariés non déclarés : le patron de la CNSS veut une loi coercitive »

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer