Pendant que montait le suspense de la Coupe du Monde de football, une autre escalade s’amorçait, autrement plus dangereuse : trois adolescents israéliens enlevés le 12 juin dernier ont été retrouvés morts le 30 juin. La traque médiatisée de leurs ravisseurs et l’émotion de la découverte des corps laissaient augurer du pire. Une semaine plus tard, Israël lançait sur Gaza l’opération « Bordure protectrice ». A ce jour, les bombardements de Tsahal ont fait plus de 200 morts côté palestinien, essentiellement des civils. La semaine dernière, les médias arabes ont largement couvert la mort de huit Palestiniens qui regardaient la demi-finale de la Coupe du Monde entre les Pays-Bas et l’Argentine dans un café de Khan Younes. Mercredi dernier, la planète entière s’est émue du sort de quatre enfants tués par un missile israélien alors qu’ils jouaient au foot sur la plage, d’autant que le drame s’est déroulé sous les yeux de journalistes de la presse internationale.
C’est triste à dire, mais in fine peu importe l’émotion post-mortem de la communauté internationale. Comme à son habitude, Israël a déjà gagné la guerre du court terme. Il a imposé son état de fait. C’est son récit de la guerre qui a dominé les chancelleries et les médias occidentaux. Même l’attitude de la France, un pays à la diplomatie traditionnellement équilibrée dans le conflit israélo-palestinien, a surpris tant le président François Hollande a semblé épouser les thèses du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Certains journaux se sont ainsi rangés toute honte bue et sans aucun recul derrière la version d’Israël. D’autres se sont réfugiés derrière un décompte scrupuleux des victimes, comme s’il s’agissait d’une guerre équilibrée, un match presque : Palestine 1 – Israël 200, un Allemagne – Brésil, sans la classe et le fair-play de la Mannschaft ! Un massacre en fait…
Mais il y a plus grave encore, c’est la triste répétition de ce mauvais match, de ce jeu de massacre auquel tout le monde assiste impuissant, comme s’il était dans l’ordre des choses. En 2006, là encore juste après la Coupe du Monde, Israël déclarait la guerre au Hezbollah et lançait une opération militaire sur le Liban. A la fin du conflit, le pays du cèdre, qui connaissait alors une embellie économique, est de nouveau à genou. La plupart des infrastructures sont détruites, mais la popularité du Hezbollah est à son zénith. En 2008 et 2012, Israël choisit également un moment fort opportun pour se lancer à l’assaut de Gaza : celui des élections américaines. Hasards du calendrier ou calculs stratégiques de la part d’Israël ? Le timing des opérations de Tsahal a en tout cas de quoi surprendre. Comment un pays peut-il être à ce point à rebours de l’opinion internationale et parvenir à distiller avec une telle efficacité sa propre version de l’Histoire ?
En fait, la spirale de violence dans laquelle est engagé Israël est liée à un seul état de fait que la communauté internationale est impuissante à faire cesser : l’occupation de la Palestine. Il est illusoire de penser que le départ des soldats israéliens de la bande de Gaza en 2005 ait signifié que les Gazaouis ont pu prendre leur destinée en main. Ils restent en tout dépendants d’Israël qui contrôle tous les accès à leur minuscule bande de territoire et peut à tout moment couper l’eau, l’électricité et les vivres. Mais à mesure qu’Israël s’entête, il voit aussi ses ennemis changer de visage et se radicaliser : le Fatah a été débordé par le Hamas, et voici désormais ce dernier dépassé par certains groupuscules qu’il ne semble plus contrôler. En attendant, l’Etat palestinien n’existe toujours pas. Et c’est bien là le but d’Israël.