Il y a péril en la demeure. Salaheddine Mezouar fait encore l’objet d’un scandale. Chacun sait que notre ministre des Affaires étrangères a beaucoup d’ennemis qui, tous, lui cherchent des noises, jaloux, c’est certain, de son ascension irrésistible au sommet de l’Etat. Lorsqu’il était ministre des Finances, on l’avait accusé de se verser des primes en dehors de tout cadre légal. Las, il n’avait pas nié mais avait répliqué en arguant de sa bonne foi et en expliquant qu’aucun texte n’interdisait clairement cette pratique. De fait, l’ancien gardien des cordons de la bourse gouvernementale a été blanchi et, après une petite cure d’austérité dans l’opposition, il est revenu tout feu tout flamme à la tête d’un ministère taillé sur mesure, les Affaires étrangères, où il a rapidement fait entendre sa petite musique.
On se souvient en effet de l’esclandre à laquelle il s’est livré lors d’un contrôle de la police aux frontières françaises. Notre diplomate en chef n’a pas eu l’heur d’apprécier la fouille minutieuse que lui ont réservée les autorités françaises à sa descente d’avion. Pensez-y, notre ministre des Affaires étrangères a été prié d’ôter sa ceinture et d’enlever ses souliers, comme n’importe quel quidam et au même titre que tous les autres officiels marocains. Sans doute même a-t-il été obligé de sentir sur lui les mains baladeuses d’un agent subalterne. C’est à vous en faire regretter d’être ministre. Nous qui croyions qu’un maroquin préservait de telles mésaventures. Peut-être s’agit-il après tout d’un mal bien français : ce peuple qui a guillotiné son roi et traîne aujourd’hui son ex-président devant la justice ne respecte décidément rien du tout, il salit tout, même les puissants.
Et voilà que, cerise sur le gâteau et comble de l’ironie, un journal marocain, Sahifat Annass, accuse notre bon ministre des Affaires étrangères de jouir de la double nationalité maroco… française. En d’autres temps, la nouvelle serait passée inaperçue : dans un royaume où la disgrâce peut frapper sans prévenir, la plupart de nos officiels savent que le « passeport rouge » est une assurance contre les revers de fortune. Mais en cette période de crise diplomatique entre Rabat et Paris, il s’agit d’une accusation plus lourde qu’il n’y paraît. D’autant qu’il y a désormais jurisprudence en la matière puisqu’en 2008, un certain Ahmed Lakhrif, mémorable secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, avait été démis de ses fonctions pour avoir « récemment » obtenu la nationalité espagnole.
Revoilà donc le soldat Mezouar au centre d’une nouvelle polémique et au cœur de tous les soupçons : serait-il en fin de compte un agent double infiltré ? Doit-il démissionner ? Disons-le clairement, cette nouvelle affaire Mezouar est une tempête dans un verre d’eau… qui peut déborder à tout moment. D’abord parce que, malgré l’insistance de Sahifat Annass, le principal concerné nie détenir une autre nationalité que la marocaine, clamant encore une fois son innocence. Sauf qu’en l’espèce, et c’est le plus important, même s’il était « coupable » de bi-nationalité, cela ne constituerait ni un crime, ni une irresponsabilité politique, ni même un manque de discernement, à partir du moment où il serait né français ou si son éventuelle naturalisation était antérieure à sa nomination au gouvernement. Autre élément de consolation, au cas où il regretterait de ne pas avoir de double nationalité, en France non plus, ce beau pays qui se cherche lui aussi des ennemis de l’intérieur, il ne fait pas bon être bi-national en ce moment. Par contre, ce qui est sûr c’est que, quitte à manger à tous les râteliers, il vaut mieux aujourd’hui pour un ministre marocain être polygame que bi-national. N’est-ce pas, messieurs du PJD ?