C’est un Abdelilah Benkirane sobre, l’air solennel, qui s’est présenté ce mardi 8 juillet devant les membres des deux chambres du parlement marocain pour présenter son bilan à mi-mandat.
Cet exercice, organisé à l’initiative du chef du gouvernement, est une première pour Benkirane qui présente un exposé exhaustif de son action. Il entre dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 101 de la Constitution de 2011, qui prévoit un bilan d’étape annuel de l’exécutif. Ainsi, Benkirane institutionnalise la coutume du Grand oral à mi-mandat.
Mis à part des pancartes « assez d’atteintes envers les droits des femmes » soulevées par des parlementaires de l’opposition, rien n’est venu perturber le discours d’Abdelilah Benkirane qui a duré près de deux heures, et s’est terminé vers 00h10.
Mot-clé : « stabilité »
Le chef du gouvernement a mis d’emblée l’accent sur la « stabilité dont jouit le pays », permise selon lui par l’arrivée d’un gouvernement dirigé par les islamistes du PJD, sa formation, il y a maintenant deux ans et demi :
Toute évaluation de l’action du gouvernement ne peut se faire sans rappeler la stabilité politique et la paix sociale que nous avons en partie instaurées. Nous restons modestes.
A cet égard, Abdelilah Benkirane considère que l’actuel exécutif n’est pas « un gouvernement normal », mais une coalition élue dans un contexte d’ébullition politique et sociale, rappelant qu’en 2011 et en début 2012, les manifestations battaient leur plein au Maroc :
Nous sommes venus mettre fin aux tentatives de contrôle et d’exclusion et dans un contexte où la confiance dans les institutions élues était faible. Nous avons repris l’initiative et redonné à l’Etat son aura (« hiba »).
Pour Benkirane, le royaume a traversé avec « le minimum de dommages » le « printemps démocratique » mais aussi « l’automne arabe ». Une situation « jalousée par nombre de pays qui auraient souhaité une telle stabilité », estime-t-il, faisant une référence implicite aux pays de la région en proie aux violences et où les islamistes ont été écartés du pouvoir.
D’ailleurs, à la fin de son discours, le chef du gouvernement a rendu un hommage appuyé à l’appareil sécuritaire, « ces femmes et hommes de l’ombre (…) qui prémunissent le Maroc du danger terroriste ».
Droits humains et corruption au second plan
L’essentiel du discours d’Abdelilah Benkirane n’était pas axé sur les droits humains ou le « fassad » (corruption, prévarication), pourtant principaux slogans électoraux de sa formation, empruntés au mouvement pro-démocratique du 20-Février. Il a préféré évacuer au début de son discours ces thématiques, en axant ses propos sur la stabilité, et ce pour s’attarder davantage sur le bilan législatif, économique et social de son gouvernement.
Ainsi, il rappelle que l’exécutif a mis fin aux grèves sectorielles dans la santé, l’éducation et la Justice. Il affirme que son parti ne craint pas le coût politique des mesures impopulaires, et ne s’inscrit pas dans un « attentisme ou des calculs électoraux ». Il détaille le bilan législatif qui consiste en l’adoption de six lois organiques et la préparation de quatre autres, sur un total de 26 prévues par la constitution. En deux ans et demi, le gouvernement a été à l’initiative de 99 projets de lois et a adopté 97 accords internationaux.
Abdelilah Benkirane a eu un mot concernant les prochaines élections communales prévues mi-2015. Il s’est enorgueilli du fait que les préparatifs ont d’ores et déjà commencé, un an avant le scrutin. Il a également répondu aux craintes de l’opposition et de son propre parti sur la transparence de ce rendez-vous électoral. « C’est bien moi qui supervise ces élections et qui ai mandaté le ministre de l’Intérieur. N’est-ce pas ce que vous voulez ? », a-t-il lancé, avant de rire devant l’assemblée en disant : « si vous n’aimez pas ce chef du gouvernement, vous n’avez qu’à patienter ». Un défi lancé à ses adversaires politiques dans un contexte de joutes verbales pré-électorales.
Rassurer les milieux d’affaires
Sur le terrain économique, Abdelilah Benkirane se félicite de la réforme de la Caisse de compensation, et notamment l’indexation du prix des carburants. Il est également revenu sur le plan de sauvetage de l’ONEE qui coûtera près de 45 milliards de dirhams. « (Si nous avons pris cette décision), c’est pour que les Marocains puissent trouver de l’eau en ouvrant leurs robinets », amenuisant ainsi l’impact de la hausse prévue des tarifs de l’eau et de l’électricité. « Les plus riches ne payeront que 150 dirhams de plus la première année sur toute l’année, puis 90 dirhams les trois années suivantes. Vous trouvez cela trop ? », a-t-il lancé à l’assemblée.
Le chef du gouvernement est également revenu sur la hausse du Smig, la nécessaire réforme des retraites et la réduction du prix de certains médicaments. Il a également promis de revaloriser la pension perçue par les veuves et « d’étendre et augmenter au maximum la bourse pour les étudiants ».
Abdelilah Benkirane a également voulu rassurer les milieux d’affaires et notamment les petites et moyennes entreprises (PME). Il a pour cela rappelé la mesure de remboursement de la TVA butoir, un effort qui devrait coûter à l’État près de 1,5 milliards de dirhams. « C’est leur droit et cet argent sera réinjecté dans le tissu économique national », s’est-il expliqué.
Au final, le discours du chef du gouvernement, diffusé par la télévision nationale et en live streaming sur la chaîne du parlement sur Dailymotion était sans grande surprise. Le bilan à mi-mandat, désormais institutionnalisé, devrait rentrer définitivement dans les mœurs politiques du royaume.
Le discours en intégralité du chef du gouvernement :
On sens que celui qui a écrit cet article est un opposant mais qui réussit à rester sobre 🙂
Petite rectification tout de même :
Le mouvement du 20 février pro-démocratique ?
Non je ne le pense pas. Soyons sérieux. Il ne l’a jamais été car c’est un mouvement non-homogène et incohérent composé en très grande majorité de 2 groupes. D’une part d’extrémistes laïcs libertaires, pro-républicains et de trotskistes léninistes nihilistes et d’autre part des extrémistes religieux salafistes et ultra-traditionalistes.
On ne peux pas établir une démocratie avec des groupement idéologiques extrémistes avec un ensemble de valeurs, d’idéaux et de principes politiques, sociaux ou culturels diamétralement opposés.