Coupe du Monde oblige, le futur mec potentiel de Zee a invité ses potes à voir le match. Et du coup, Zee t’a quasiment ordonné de te joindre à eux. Elle a besoin de soutien dans cette épreuve qu’est la rencontre du clan du garçon. Comme c’est dimanche et que tu as passé une journée merdique, tu te dis pourquoi pas. Et après tout, la Coupe du Monde, c’est juste un prétexte. Tu papotes avec des nanas qui te ressemblent autant qu’elles te saoulent et des mecs qui ont les yeux rivés sur un écran. Tu es presque exaltée quand l’équipe du mec le plus mignon marque un but. Et puis c’est aussi l’occasion de boire une bière ou deux. Tu as l’impression d’être un cow-boy. Ton esprit est pourtant dans un vrai truc de filles : ta garde-robe de l’été ! Tu y penses depuis le début de la semaine. Une de tes principales préoccupations a été de vérifier tes placards en vue de ces trois mois qui s’annoncent assez compliqués.
C’est qu’il faut passer de la piété du mois sacré aux déhanchements sur les plages sans risquer le fashion faux-pas. Parce que tu ne peux pas boire une harira habillée comme si tu allais boire un mojito. Alors du coup, des questions existentielles te taraudent. Et la plus urgente est « ai-je assez de tenues pour les nombreux dîners ramadaniens ? ». Parce que, bien entendu, ta foi est quantifiable en jellabas et autres tenues tradi-chic. Et cette année tu as décidé d’être au top sans te ruiner. Tu as prévu d’utiliser les nombreux coupons que tu achètes pour trois fois rien sur les marchés des « patelins » visités ces derniers mois et qui encombrent tes placards. D’autant que tu as déniché une petite couturière qui a des mains de fée et qui va te refaire à l’identique ce modèle de gandoura que tu as payé hors de prix chez un créateur vénézuélien. Oui, c’est souvent par le biais d’un quelconque imposteur à la nationalité lointaine que tu es prête à t’intéresser à l’artisanat de ton pays. Un sorte de garantie de chic pour des raisons très cheap. Enfin bref, ça te fera une bonne dizaine de tenues. Avec les coupons restants et un peu trop transparents tu as prévu de faire faire des petites tenues sympas à porter à la plage, par-dessus tes maillots. D’ailleurs pour ça aussi tu as un super-modèle d’un designer italien. A aucun moment, tu n’as la sensation de porter du faux ou des imitations. Ce n’est pas du faux. Tu ne copies pas, tu adaptes. Ce n’est pas comme les Chinois. Oh la la ! ton esprit s’égare dans des considérations éthiques bien loin de toi alors que tu as tellement mieux à faire.
Tu dois t’empresser de reprendre une bière ou n’importe quelle autre boisson qui a le pouvoir de faire tourner ta tête. C’est que ramadan approche… Et les débits de boissons ferment. Alors même si tu n’as pas particulièrement envie de te bourrer la gueule, tu vas le faire quand même. Parce que dans quelques jours tu ne pourras plus. Et surtout parce que toi, tu vis tout comme si c’était la dernière fois. Une sorte d’épicurisme à outrance sans, bien entendu, aucune conscience de la moindre intention philosophique. D’ailleurs, ces dernières semaines il a fallu « tout » caser : des mariages, des festivals et des soirées quitte à être dans l’outrance, dans l’excès. Et finalement, les mecs aussi se posent des questions logistiques. Le futur ex de Zee par exemple est très préoccupé par son agenda. Le mois sacré lui faisant pousser des ailes de mysticisme, il se demande comment il va s’organiser entre causeries religieuses et horaires des matchs et, surtout, comment passer du pack bière/chips au jus d’amandes et chebbakia sans rien perdre de sa ferveur footballistique. Le bonheur, ici, c’est comme le reste : une adaptation un peu loufoque de tout et de n’importe quoi, pourvu que les apparences soient sauves et que la religion ne soit jamais égratignée.