La tradition griotique remonte très loin dans le temps, elle s’est développée depuis des millénaires, en passant par l’empire du Ghana, l’empire du Mandé (ancien Mali) et même l’empire Songhaï (au Sahel). Selon l’historien et archéologue malien, Doulaye Konate, ses racines sont d’origine mandingue et plus particulièrement au sein du peuple bambara.
Partout dans l’espace mandingue (pays du Sahel globalement), rares sont les cérémonies qui se passent sans la présence du personnage incontournable du griot, qui sont de véritables icônes locales, explique Bassekou Kouyate, griot et musicien malien :
Les grands griots deviennent des repères. Ils sont plusieurs aujourd’hui à avoir des monuments, comme Sotigui Kouyaté, Ali Farka Touré ou Djelimady Tounkara.
Ces griots ont largement participé au fait identitaire national dans la plupart de ces pays. Dans le cas du Mali, « il y a un griot très célèbre qui s’appelle Banzumana Sissoko, quand on l’entend à la radio nationale, on sait qu’il y a un événement important qui se passe », explique Doulaye Konate.
Le griot, médiateur social
Au Moyen âge, dans l’ancienne organisation sociale, la société mandingue comptait trois catégories :
- les horon, c’est-à-dire les nobles qui s’occupaient de la guerre ou l’agriculture ;
- les niamakhala, qui regroupaient les artisans, les cordonniers, les forgerons et les griots ;
- les esclaves.
Le griot vit dans une endogamie, en ne se mariant qu’avec les griots ou les Niamakhala, développe Doulaye Konate : « Il ne peut pas se marier en dehors de cette catégorie, ni avec les nobles ni avec les esclaves. »
Le rôle du griot est de conserver la mémoire collective, la tradition orale du village et l’histoire des ancêtres, tout en faisant de la médiation sociale en cas de conflits. « Il est le lien entre le roi et le peuple », interprète ainsi Ami Sacko, griote et chanteuse malienne, et épouse du musicien Bassekou Kouyaté.
Centres de formation pour griots
Dans certains milieux ruraux, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Burkina Faso, le griot fréquentait les nobles qui assuraient sa subsistance et la continuité de la transmission des traditions. Aujourd’hui, à cause de la sécheresse, la pauvreté ou les guerres, plusieurs griots se voient forcés d’émigrer en ville. Et sont forcés de s’adapter au contexte urbain, explique Doulaye Konate :
La tradition n’est pas éternelle… d’une vision anthropologique, les anciennes modernités deviennent des traditions… Les modalités de mise en œuvre des traditions sont les coutumes, et par définition, les coutumes évoluent… Cette tradition ne se transmet pas d’une manière informelle, il y a des centres de tradition orale, des sites qui sont très réputés, où les griots vont se former comme à l’école. Ils écoutent les traditions.
Les griots expriment leurs mots à travers des chansons de gestes, ils chantent la bravoure des héros ou de nombreux autres sujets, indique Ami Sacko :
Je fais de la musique avec mon époux Bassekou et mes enfants, on chante en maliké, en bambara, en songhaï, en français et même en anglais… Nos chansons traitent l’amour, l’éducation des enfants, la promotion de la femme et la paix.
« Ça peut être des chansons purement historiographiques où histoire et légende se mélangent… Le griot n’est pas historien, mais l’historien a besoin de la matière première dont dispose le griot », conclut Doulaye Konate.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer