Hier soir, Zakaria Boualem a regardé le match de l’Algérie au café, il va sans plus attendre vous raconter cette expérience troublante. Il est impossible de regarder cette équipe sans penser à la nôtre. Rien au monde ne ressemble plus au Maroc que l’Algérie, il est d’ailleurs étonnant que ces deux pays soient arrivés au même résultat, disons moyen, en empruntant des voies aussi différentes.
Aller en Algérie, c’est comme visiter l’appartement de vos voisins de pallier, on se sent chez soi et en même temps c’est pas pareil. Il paraît que ça s’appelle « le narcissisme des petites différences », c’est le nouveau directeur de la rédaction de cet estimable magazine qui a expliqué ça à Zakaria Boualem (cet homme lit des livres compliqués).
Ça démarre, et la terrasse du café est pro-algérienne. Les Fennecs mènent une guérilla pleine d’abnégation. Tapis aux quatre coins du terrain, ils surgissent systématiquement des bosquets en surnombre pour contrer des Belges apathiques. Et surtout, ils marquent. La terrasse se divise aussitôt. La nature humaine en action : c’est facile de soutenir ses voisins quand ils sont dans la galère, c’est plus compliqué de se réjouir sincèrement de leur bonne fortune. Les Belges deviennent un peu plus pressants, mais les Algériens tiennent vaillamment le score, sans rien proposer d’autre qu’une défense de braves.
Autour de Zakaria Boualem, c’est la confusion émotionnelle, le questionnement collectif continu. L’entrée chez les Belges de Marouane Fellaini va compliquer encore plus les choses. Selon certains, il est un traître à sa vraie patrie, le Maroc, alors que pour d’autres il a fait le choix le plus inspiré du monde. Lorsqu’il égalise d’une formidable tête en arrière, il devient un héros national marocain, on se rappelle soudain que son papa a gardé les buts du Raja, une bonne partie de la terrasse jure de l’avoir vu jouer. Il suffit de regarder sa coupe flamboyante, cet homme est un hommage vivant à nos années 70.
Au deuxième but belge, la terrasse est prise d’une nouvelle convulsion, ils sont nombreux à regretter la défaite pendant que d’autres parlent du Sahara. Sans qu’on ne comprenne bien pourquoi, il est désormais question de Benzema, de Zidane, des immigrés sur la corniche en été et de banlieue parisienne. Quand Zakaria Boualem quitte le café, il y a autant de débats que de clients et il a un peu mal à la tête…