Gouvernance sécuritaire, torture, liberté de presse et d’association, droits des femmes… Driss El Yazami a livré un compte-rendu critique devant les parlementaires.
Driss El Yazami, président du CNDH (Conseil national des droits de l’Homme), s’est présenté lundi 16 juin devant les deux chambres du parlement pour un exposé sur la situation des droits de l’Homme. TelQuel a relevé les 6 points essentiels de son grand oral.
1- Une police qui ne communique pas
D’emblée, le CNDH ne manque pas de relever le manque de communication des autorités publiques, dont notamment les forces de l’ordre. Cette carence en information induit la propagation de rumeurs concernant des décès « fictifs ou non vérifiés », ce qui a tendance à aggraver les événements, selon Driss El Yazami. Et de citer des exemples : Bni Bouayach, Bni Makada, la prison locale de Salé, Boujdour Smara et Laâyoune, ou encore Gdim Izik.
2- On arrête des militants pacifiques
Sans citer de noms et de cas concrets, Driss El Yazami se contente de noter qu’il y a eu des arrestations de militants des droits de l’Homme lors de manifestations pacifiques et non-violentes. Dans son discours en face des députés, le président du CNDH a également noté une utilisation disproportionnée de la force lors des dispersions des manifestations. Pour cela, l’instance conseille d’engager « un dialogue public responsable » qui commencera par l’organisation d’un colloque national. Les cas de torture sont également mentionnés. Le conseil fait remarquer qu’il y a « une absence de dispositions stipulant le recours immédiat et systématique à l’expertise médicale ».
3- Des associations qui ne sont toujours pas reconnues
C’est l’une des principales revendications de la société civile : la facilitation des procédures d’octroi du récépissé pour la reconnaissance légale des associations. Cette complication ou ce retard volontaire de l’administration est considéré par les observateurs comme étant la chape de plomb qui permet de tenir en laisse les associations. Driss El Yazami rappelle que « plus de 22 associations ont connu ce problème ». Parallèlement, 37 associations ont eu recours à la justice, précise-t-il. Il note également l’exigence faite par les autorités administratives locales aux associations de fournir des documents non stipulés par l’article 5 de la procédure d’associations.
4- Les journalistes poursuivis dans le cadre du code pénal
Voilà qui déplaira au ministère de la Communication, qui affirme que moins de poursuites sont engagées contre les journalistes marocains. Driss El Yazami a rappelé les chiffres communiqués par le ministère de la Justice et des libertés sur les poursuites engagées contre les médias. Ainsi, 119 affaires relatives à la presse ont été présentées devant la justice, dont 81 examinées par différents tribunaux en 2011, contre 106 en 2012 parmi lesquels 51 ont été jugées. Le CNDH préconise une révision urgente et globale des textes régissant le secteur de la presse et de l’édition.
De plus, le président du CNDH regrette « la poursuite de journalistes dans le cadre du code pénal, avec des peines de prison ou des amendes a constitué une atteinte à la liberté de presse et d’expression ».
5- Les femmes encore laissées pour compte
La violence à l’égard de la femme soulève l’inquiétude du CNDH. Driss El Yazami rappelle que 15,2 % des femmes sont victimes de violences physiques, 8,7 % subissent des relations sexuelles imposées et 48 % sont victimes de violence psychologique (chiffres HCP).
Le Conseil se dit également inquiet des derniers chiffres concernant les mariages des mineurs de moins de 18 ans, qui sont passés de 18 341 cas en 2004 à 35 152 cas en 2013.
6- Ce qu’il reste à faire
Selon le Conseil national des droits de l’Homme, les principaux chantiers à entamer seraient tout d’abord une introduction des peines alternatives au sein de la législation pénale. Mais également une réforme du cadre juridique de la grâce, une référence (implicite) au débat qui a suivi la libération du pédophile espagnol Daniel Galvan.
Le CNDH incite également les autorités à « poursuivre les efforts » dans les dossiers de disparition forcées tels que celui de Mehdi Ben Barka. Enfin, le Conseil présidé par Driss El Yazami encourage à abolir la peine de mort. Pour rappel, le gouvernement s’était déjà exprimé à ce sujet il y a quelques semaines, avançant que la peine de mort n’allait pas être abolie et qu’il préférait plutôt réduire le nombre de crimes passibles de peines de mort.
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