Mes bons amis, Zakaria Boualem vous salue. Il fait beau, nous sommes glorieux, et marchons unis vers les sommets du développement. La Coupe du Monde arrive, superposée avec le mois sacré de ramadan. Il est bien possible que cette étonnante coïncidence provoque une éclipse en terme de productivité, mais nous nous rattraperons dans une génération ou deux. De toute façon, il est vain de tenter de lutter contre les Chinois, alors il vaut mieux se concentrer sur son bien-être, et merci. Il ne vous aura pas échappé que nous disposons désormais d’une fédération de football, ainsi que d’un entraîneur, c’est formidable. Si tout va bien, une équipe devrait suivre, que peut-on demander de plus ? Zakaria Boualem a reçu la nomination de celui qu’on appelle « le cadre national » avec un peu de scepticisme, mais il a vite compris qu’il était vain de l’exprimer. A chaque fois qu’il en a parlé avec ses amis au café, il a pris sur la figure une masse de protestations spectaculaires, capables de mettre en danger sa qualité de vie. Il essayait, le bougre, de débattre en proposant quelques arguments.
Oui, Zaki était un grand gardien de but et il a mené une campagne 2004 de main de maître. Mais il a aussitôt foiré la qualification pour la Coupe du Monde suivante en se brouillant avec la moitié de son effectif. Il a ensuite erré de club en club sans jamais réussir à décrocher le moindre trophée, terminant la plupart de ses expériences dans une ambiance de psychodrame. Il expliquait donc à ses potes que, selon lui, le choix du bonhomme pouvait poser question, c’est tout. Il a ensuite développé en parlant de l’effectif de l’équipe nationale. Zakaria Boualem pense que la politique actuelle de prospection chez les binationaux était une catastrophe. D’abord parce qu’elle est infinie vu la taille de ce réservoir de population, et ensuite parce qu’elle empêche la constitution d’un groupe. Il proposait donc de faire comme tous les autres pays du monde, à savoir prendre les meilleurs joueurs de noter championnat, les renforcer avec 3 ou 4 pros incontestables, et les faire jouer ensemble jusqu’à ce que les bougres progressent. Les réserves du Guercifi se sont heurtées à un mur. Tel le soldat grognon montant au front avec des réserves globales sur la stratégie mise en place par le haut commandement, il était un défaitiste qu’il fallait faire taire. Il fallait croire en Zaki, croire en l’équipe nationale, on parle ici de foi.
Qu’importe si on a demandé à cet entraîneur des réalisations qui n’ont jamais été accomplies dans notre histoire, même quand nous avions meilleure allure. Il a comme objectif la finale de la CAN 2015, la demi-finale en 2017 et la qualification pour la Coupe du Monde 2018, un peu comme si on demandait à Zakaria Boualem qui courait péniblement le 100 mètres en 15 secondes en 1990 de le faire en 8 aujourd’hui… Nous avons une telle passion pour l’unanimité qu’il nous semble dangereux d’abriter en notre communauté des avis dissonants. Même un 90% de personnes d’accord nous semble trop peu. Il faut 100%, et seule l’arithmétique nous retient de pousser au-delà. Zakaria Boualem a donc compris qu’il ne fallait pas contrarier ce bel élan. Il soutient donc Zaki, il y croit. Tout d’abord parce qu’à son âge, il n’est pas un luxe de s’éviter une polémique, ni une accusation de traîtrise à la nation, il a déjà eu sa dose. Ensuite, parce qu’il n’est pas exclu qu’on y arrive, puisque tous les moyens de l’Etat y seront consacrés (ci-gît une phrase qui a été effacée par peur de choquer les plus jeunes lecteurs). Troisièmement, parce que c’est agréable de rêver. Oui, de quel droit le pénible Guercifi devrait-il doucher l’enthousiasme populaire ? Pourquoi se priver de six mois de douce rêverie ? Allons-y ensemble, donc, on y croit, vive nous, et merci.