Le 3 mai, le monde célébrait la Journée mondiale de la liberté de la presse. Au Maroc, c’était aussi la fête de la presse. Nous autres journalistes en avons pris pour notre grade. Peut-être qu’on le mérite bien… Il y a eu comme d’habitude cette salve d’organisations internationales (Freedom House et Reporters sans frontières) qui viennent chaque année nous remettre à notre place de sous-développés : le Maroc est à la queue des nations respectueuses de la liberté de la presse (voir p.22). Comprenez, on a beau se démener à vouloir défendre l’indépendance éditoriale d’un journal, on reste otage d’un environnement global qui limite sacrément la marge de manœuvre.
Il y a eu aussi, comme toujours, cette réaction effarouchée de notre ministre de la Communication qui conteste le caractère « inéquitable et peu objectif » des critères retenus par ces ONG de renommée. Il faut peut-être rappeler à notre ancien confrère, Mustapha El Khalfi, que tout classement contient une part de subjectivité et que c’est insulter l’intelligence collective que d’accuser ces organisations de mauvaise foi à l’égard du Maroc. Le ministre devrait juste se remémorer ses souvenirs de bouclage pour trouver du sens aux propos des observateurs internationaux. Mais on ne va pas lui en tenir rigueur : il est dans son rôle de porte-parole du gouvernement qui lui impose un discours « 3amziniste ».
Son Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a lui aussi, pour l’occasion, dit tout le bien qu’il pensait de la profession de journaliste. Dans son dernier meeting partisan à Bouznika, il est parti dans un freestyle hargneux à l’encontre des médias : des confrères ont été qualifiés de « parasites » et de « comploteurs contre son gouvernement ». L’ancien directeur de publication d’Attajdid a sans doute oublié le temps où il était patron du journal officiel du Mouvement unicité et réforme, qui servait une ligne politique précise. Bien sûr, lui n’était ni parasite ni comploteur.
Ces amabilités du gouvernement interviennent dans un contexte de négociation autour d’un nouveau Code de la presse. Le ministère de tutelle a soumis aux représentants de la profession (syndicat des journalistes et fédération des éditeurs) un nouveau projet de loi. Une mouture qui a fait courir les rumeurs les plus folles, notamment celle concernant l’obligation pour les journalistes de révéler leurs sources. Faux, nous rassure le ministre de la Communication, qui promet plutôt de réelles avancées pour le Code de la presse réformé : suppression des peines privatives de liberté pour les délits de presse, transfert du pouvoir d’interdiction des journaux de l’administration à la justice, intégration de la presse électronique…
Découvrez la suite de l’édito dans le numéro 619 de TelQuel, actuellement en kiosque.