Zakaria Boualem vous accueille avec des bisous, des fleurs, et deux buts à zéro, et merci. Le buzz de la semaine nous vient du Koweït, que notre star nationale Saad Lemjarred a pris le soin de visiter. Sans être un grand fan de sa musique, Zakaria Boualem est très content que ce chanteur existe. Car depuis de longues années, le Guercifi grognon se demande pourquoi nous n’avons aucune star chez nous. Pas de star, pas de modèle, rien pour faire rêver. Certains sociologues considèrent ce point comme catastrophique, mais Zakaria Boualem n’est pas sociologue. Il en sait juste assez pour trouver anormal qu’au moment où les Libanais, les Khalijis et les Egyptiens glorifient leur production, en font la promo et expliquent au reste du monde qu’il s’agit d’un art total et accompli, nous sommes incapables de sortir la moindre vedette de nos frontières. Il trouve ça louche, en fait. Pas d’industrie de la musique, pas de droits d’auteur, pas de chaîne télé dédiée, pas de salles de concerts. Le tout remplacé par quelques festivals épars et une culture forcenée de la grimattitude…
Si nous n’étions pas aussi inefficaces, on aurait pu penser à un sabotage. A chaque fois que Zakaria Boualem lit un article qui fustige les cachets exorbitants des stars étrangères, il se demande de son côté pourquoi aucune star marocaine n’est en mesure de demander le même cachet à l’étranger. Il est là, en fait, le problème… Et soudain, Saad Lemjarred produit des singles, des clips et s’impose comme une star arabe. Bien joué, beau geste technique, applaudissements, et merci. Au Koweït, donc, le chanteur a provoqué une cohue dans un centre commercial, des images spectaculaires circulent sur YouTube. C’est à ce moment de la chronique qu’il faut faire intervenir un animateur de la télévision koweïtienne, un type qu’il est inutile de présenter mais dont il faut rapporter les propos. Un bonhomme spectaculaire d’arrogance, qui a consacré une partie de son émission à se foutre de la gueule du chanteur marocain. Il a commencé par se moquer de son nom dans un moment de créativité comique assez pénible. Il a ensuite raillé sa capacité à déchaîner les passions, oubliant que le chanteur n’était en fait coupable que d’avoir bien fait son boulot. Il a ensuite évoqué la capacité des Marocains à pratiquer la sorcellerie, seule explication à ce phénomène selon lui, avant d’asséner à son auditoire que les Marocains avaient un grand problème avec l’arabe. Bon.
Il est utile que, de temps en temps, les Marocains se prennent dans la figure quelques clichés, ça aide à relativiser, à mieux se situer dans le monde… Ce brave tâcheron de l’audiovisuel koweïtien se contente en fait de reproduire une idée communément admise dans sa région géographique, que Zakaria Boualem vous résume ainsi : les Marocains sont des débauchés, des bâtards culturels, pratiquant la sorcellerie et le sexe de manière effrénée, un troupeau d’égarés à peine islamisés, ânonnant un arabe dégénéré et impropre à la communication. Quand on gratte un peu, on peut encore mieux résumer le truc : les Marocains sont des Africains. Et dans leur bouche, ça n’a rien d’un compliment. S’ils ne nous assimilent pas à des Amazighs, c’est juste parce qu’ils n’en savent pas assez sur nous pour entrer dans les détails. Une africanité douteuse, une amazighité louche, à mettre en opposition avec leur pure et noble arabité, c’est magnifique.
Pourtant, et à son grand dam, Zakaria Boualem ne pratique aucun art de la sorcellerie. S’il avait quelque pouvoir sur les forces occultes, il retirerait aussitôt leur pétrole à ces valeureux Arabes. Parce qu’il est désormais établi que leur statut de rentiers ne leur réussit pas, et merci.