Amis désœuvrés, Zakaria Boualem vous salue. Vous qui avez échoué dans le quartier populaire de cet estimable magazine, soyez les bienvenus, plaisir des yeux mes frères. Cette semaine a été marquée par le surnaturel. Un Boeing qui disparaît, voyez-vous, ce n’est pas courant. Bizarrement, nos amis les barbus illuminés des chaînes spécialisées n’ont proposé aucune espèce d’interprétation à ce phénomène. Eux qui sont capables de lancer un sujet sur un poulet qui invoque Dieu au moment de subir l’égorgement (véridique, 4 millions de vues sur YouTube s’il vous plaît) n’ont rien à nous proposer pour nous expliquer comment un avion disparaît. Seul un journal anglais à vocation satirique s’est dévoué pour annoncer qu’il avait été retrouvé sur la Lune. C’est faible. Voilà ce qui arrive quand la réalité bat l’imagination, quand la puissance du chaos réel affirme sa supériorité arrogante sur tout le reste. Zakaria Boualem est effaré. Il a cherché des explications partout. Il n’a rien trouvé.
Les journaux sérieux expliquent sérieusement qu’ils n’ont rien compris. Les réseaux sociaux ricanent. Ils sont divisés en deux sectes : les politiques et les footballistiques. Commençons par les premiers, ils sont victimes d’un schisme. Il y a ceux qui s’indignent et ceux qui contrôlent les indignations des premiers nommés. Ils veulent savoir pourquoi ils ne se sont pas indignés plus tôt ou sur un autre sujet. Par exemple : « Ahhh, ils sont beaux les chantres de l’intervention en < placez ici un pays : Crimée/Syrie/Bosnie> qui se taisaient sur le <placez ici un pays différent : Kosovo/Libye/Palestine> ». On ignore s’ils tiennent des fiches sur les indignations de chacun pour en vérifier la cohérence. Les footballistiques sont tout aussi épuisants, ils se divisent eux aussi en deux sectes : les Réaliens et les Barxistes. Convaincus qu’ils sont victimes d’une machination ourdie par des forces obscures, ils observent les matchs des adversaires en détectant les preuves du complot. Exemple : « Ahhh on siffle péno sur <placez ici un joueur : Messi/Ronaldo/Benzema> alors qu’il faut à <Sanchez/Neymar/Pepe> se faire agresser à coups de marteau pour avoir droit à un coup de sifflet ». Dans l’histoire du football, jamais personne n’a réussi à convaincre l’autre, mais ça n’empêche pas les deux sectes de s’affronter avec verve en occupant une part phénoménale de téraoctets de texte. Mais rien sur le Boeing disparu.
Toujours dans le surnaturel, l’Arabie Saoudite a décidé d’interdire une liste de prénoms chez eux. Abdelâati, par exemple, Amir, Malak ou Malika, ont été jugés blasphématoires, il était important de le signaler. La capacité de ce royaume à produire des décisions courageuses, rapides et efficaces pour protéger notre foi force le respect.
Chez nous, une information étonnante fait état du souhait de notre police, que Dieu l’apaise, d’offrir à ses agents des cours d’anglais. Inutile de commenter cette information, elle porte en elle une telle capacité à générer de l’ironie qu’elle se suffit à elle même, et merci.
La France, de son côté, en a fini avec la quenelle, mais elle est désormais plongée dans une nouvelle affaire. Il se trouve que la police a pratiqué des écoutes sur M. Sarkozy, lui-même espionné par son conseiller. Zakaria Boualem a un niveau d’information très bas sur ce sujet, il n’a pas été capable d’identifier avec précision ce qui poussait tout ce beau monde à vouloir à tout prix écouter ce que racontait M. Sarkozy. Il se contente donc de rapporter la nouvelle, assortie de son impression que la France n’est pas très en forme.
Et le Boeing est toujours perdu. Au moment où vous lirez ces lignes, il est fort possible que le mystère soit levé. Zakaria Boualem vous envie, il est obsédé par cette affaire. La dernière fois qu’il s’est mis dans un tel état, c’était quand de malheureux Russes étaient restés coincés dans un sous-marin nucléaire.
Il retient son souffle…