Histoire. Real-Barça pour les nuls

Par Abdullah Abaakil

Clasico. Passion, histoire, ide´es rec¸ues et mauvaise foi… Les deux clubs phares de la pe´ninsule ibe´rique e´crivent l’histoire espagnole a` leur manie`re.

Lorsque je découvrais avec passion la marée blanche du Real Madrid, via « la QuintadelBuitre », je n’imaginais pas que, près de 30 ans plus tard, l’antagonisme Madridistas/Culés gagnerait tout le pays. En effet, en ces années 1980, cette rivalité ne concernait que les Marocains vivant au nord de l’ancienne douane de Larache, soumis à la conjonction de la proximité culturelle, de la puissance du signal télévisé espagnol qui couvrait la région et, reconnaissons-le, des piteux résultats des clubs de cette région en championnat national, à cette époque.

Et voilà que la diffusion des matchs de la Liga, en direct et en v.o. s’il vous plaît, tous les samedis sur une chaîne nationale, le piratage satellitaire, puis Al JazeeraSports, auront contribué à répandre partout ce virus de la rivalité Real/Barça, et que tout footeux est tenu, aujourd’hui, de choisir son camp. Cet article a pour objet de les aider à faire le bon choix, en révisant les trois grands mythes, politique, identitaire et surtout sportif, qui entourent cette rivalité, comme autant de clàsicosdisputés.

Le Real est franquiste et le Barça progressiste : 1-1

Cette légende est née de l’assassinat du président du club catalan, Josep Sunyol, par les franquistes pendant la Guerre civile espagnole (1936-1939). Mais il y eut surtout cette demi-finale de la Coupe, en 1943, gagnée 3-0 à l’aller par le FCB, mais marquée par une cinglante victoire au match retour de Madrid par 11 buts à 1, sur fond de contestation de l’arbitrage, et fondatrice du complexe de persécution des Catalans. C’est oublier, par commodité, que cette même décennie a bel et bien connu une domination des Blaugrana, dirigés par des franquistes bon teint, comme tous les autres clubs, avec 3 Ligas et 1 coupe, contre deux petites coupes seulement ramenées en Castille.

Paradoxalement, il faudra attendre le recrutement par le Real Madrid de l’un des premiers footballeurs « syndicalistes », Alfredo Di Stefano, qui avait été poussé vers la sortie par le club argentin de River Plate pour y avoir initié une grève des joueurs, pour voir enfin le club renouer avec les titres. Avec Gento, il inaugure l’âge d’or du club merengue, et un âge d’or qui ne doit rien à Franco au vu des 6 titres pour 8 finales disputées de la Coupe des champions d’Europe en une décennie de 1956 à 1966.

Le Real est une équipe de stars étrangères alors que le Barça forme ses stars : 1-1

Ceux qui défendent cette affirmation romantique semblent être peu informés de l’histoire de leur club préféré. Certes, les deux présidents mythiques du Real, Santiago Bernabeù (1943-1978) et Florentino Perez (actuellement en fonction), ont en commun d’avoir voulu, avec des succès inégaux, signer de grands joueurs étrangers. Mais voilà, ce serait vite oublier que le Barça a tiré le premier, en 1950, en engageant l’attaquant hongrois LàszloKubala, soit trois ans avant l’arrivée de Di Stefano au Real.

Il faut aussi rappeler que le premier transfert d’un galàcticoà Madrid aura été celui du Portugais Luis Figo, en provenance du… FC Barcelone.Quand, suite aux évènements de Hongrie en 1956, le Real récupère Puskas, le FCB signe deux autres membres de la meilleure équipe nationale de l’époque, Czibor et Kocsis. Ils seront suivis par les transferts faramineux de grands noms tels que Johan Cruijff, Gary Lineker, Romario, Stoichkov, Ronaldinho, Eto’o, Ibrahimovich, sans oublier le plus grand de tous, Diego Armando Maradona. Autant de joueurs sans rapport avec le « catalanisme » revendiqué par le club.

Dans le même temps, il faut noter que le Real Madrid dominera le football espagnol des années 1960 avec le Real « Yé-Yé », une équipe entièrement composée de joueurs espagnols, puis la fin des années 1980 avec la QuintadelBuitre (du surnom d’Emilio Butragueno, le « vautour »), qui ne comptait que le Mexicain Hugo Sanchez comme joueur étranger.

Le Barça pratique le beau jeu offensif quand le Real gagne des titres : 0-1

Incapable de résister à la domination de son rival dans les années 1950, le Barça décide de remédier à cette situation en engageant, en 1958, l’entraîneur italien Helenio Herrera, et gagne deux titres successifs dans la foulée. Pour les néophytes, Helenio Herrera est l’artisan, après son passage au FCB, des succès d’un autre grand rival du Real de l’époque, au niveau européen cette fois, célèbre pour son système ultra-défensif : le catenaccio. Ce système de jeu, avec 5 défenseurs, 2 milieux défensifs et un attaquant unique, ne respirait pas vraiment l’ambition offensive, qui contrastait avec la marée blanche du flamboyant Real « Yé-Yé ». Par ailleurs, le style Barça récent, surtout après le départ de Pep Guardiola, et appliqué à la sélection espagnole, ressemble, selon bon nombre de spécialistes, à un catenaccio en milieu de terrain, où l’on constate la disparition pure et simple des attaquants de pointe.

Pour sa part, le Real fera du football offensif sa marque de fabrique, souvent à l’excès d’ailleurs, quand on pense au limogeage d’un Fabio Capello, pourtant vainqueur de la Liga, pour cause d’approche tactique trop défensive. Il faut aussi se souvenir que le Real n’a jamais vraiment brillé par sa défense (Buyo la bourde, par exemple, le gardien des années 1980), ce qui a conduit souvent à des parties spectaculaires, des matchs de coupe perdus lourdement avant des remontadas lors des matchs retour. S’il ne faut retenir qu’une remontada, c’est en 1985-86, en Coupe de l’UEFA, lorsque le Real perd son match aller par 1-5 face au Borussia Mönchengladbach avant de gagner par 4-0 le match retour. Mais celle que je préfère, même si je ne l’ai pas vue, mes géniteurs n’étant même pas encore nés, reste, pour remuer le couteau dans la plaie, celle de 1943, que j’ai citée plus haut, en Coupe face au FCB (0-3, 11-1)

Résultat final : Real 3 Barça 2 et Hala Madrid

Note de l’auteur : tous les évènements et faits mentionnés dans cet article à des fins de propagande merengue sont rigoureusement exacts.