Tariq Ibnou Ziyad Initiative, TIZI pour les intimes, est une initiative citoyenne, « un projet d’espoir et de confiance en la jeunesse marocaine, qui se fixe comme objectif de faire réinvestir le champ politique par les jeunes pour leur donner les moyens d’accélérer le changement et la transition démocratique au Maroc ». C’est en tout cas la vocation affichée par les promoteurs du projet. Et force est de constater que, depuis sa création en août 2011, TIZI a fait son petit bonhomme de chemin. Un de ses principaux faits d’armes est d’avoir institué un baromètre de la vie politique marocaine réalisé conjointement avec l’institut d’enquêtes et de sondages d’opinion Averty : plus d’un millier de Marocains, ventilés selon leur catégorie socio-professionnelle, leur âge et leur lieu de résidence ont été invités à donner leur opinion sur le gouvernement, l’opposition, les ministres et leur politique. En juin 2013 paraissaient ainsi les résultats d’un premier sondage reconduit semestriellement. Il y a quelques jours, ce sont les résultats de la deuxième édition de ce baromètre, réalisée en janvier dernier en partenariat avec le site d’information Hespress, qui étaient rendus publics.
Principal enseignement : en six mois, la cote de confiance du Chef du gouvernement a chuté de 15 points, passant de 68% à 53%. Même tendance à la baisse pour l’ensemble du gouvernement dont la cote de confiance s’établit à 46%, soit une baisse de 14 points. Mais, malgré une légère amélioration, l’opposition ne fait pas mieux : seuls 19% des sondés lui font confiance contre 13% il y a six mois.
S’il fallait retenir une leçon de ce sondage, c’est qu’il illustre la maturité parfois insoupçonnée de l’opinion publique marocaine. Abolie la distinction entre technocrates et politiques, les sondés ont accordé une prime à la compétence et à la ténacité. De la même manière, ils ont sanctionné les casseroles traînées par certains ou le bavardage des autres. Dans le haut du tableau, on trouve ainsi les ministres El Hossein El Ouardi, Aziz Akhannouch et Aziz Rabbah. Du côté de l’opposition, les nominés sont : Ahmed Reda Chami, Hakim Benchemass et Mustapha Bakkoury. Alors qu’en queue de peloton viennent Driss Lachgar, Abdelhamid Jmahri et Yasmina Baddou, bonne dernière.
Pour autant, l’intérêt d’un baromètre politique n’est pas seulement arithmétique, il est aussi d’ordre culturel. Les hommes et les femmes politiques disposent désormais d’un outil pour mesurer leur cote de popularité et les effets de leur communication sur l’opinion publique. L’avancée est significative. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, en coulisses, le gouvernement a montré un grand intérêt pour le sondage de TIZI-Averty : la connaissance de l’opinion publique et le fait de l’influencer sont à la fois un enjeu de pouvoir et un terrain encore insuffisamment exploré au Maroc.
La multiplication des sondages politiques est une évolution inéluctable pour une société qui fait le choix, forcé ou pas, de l’ouverture démocratique et de l’éclosion du débat public. Loin de donner lieu à une hypothétique et lointaine « dictature des sondages », cette évolution ne peut, dans le cas marocain, qu’aider la classe politique à mieux appréhender l’image qu’elle renvoie dans la société et, partant, à l’améliorer. Elle aiderait aussi l’opinion publique à se regarder elle-même, dans sa diversité et dans ses contradictions.
Mais c’est aussi là que se trouve le risque trop bien compris de la « culture du débat et du sondage » : celle-ci suppose la mise en lumière des lignes de fracture qui traversent toute société, remet en cause certains poncifs et rompt le confort de l’apparent consensus.