Zakaria Boualem et la Coupe d’Afrique des Nations au Maroc

Par Réda Allali

Dans un an exactement, notre paisible contrée va accueillir la Coupe d’Afrique des Nations. Zakaria Boualem pourrait vous raconter des salades sur la fête du foot africain, la fraternité entre les peuples… mais il vaut mieux être honnête et dire les choses comme elles sont : si les Marocains organisent la Coupe d’Afrique, c’est pour la gagner. Prenez Abdelqoddous Boufous, demandez-lui s’il est africain et il s’indignera aussitôt, mais il vous expliquera qu’il doit gagner la Coupe d’Afrique. L’heure n’est pas à l’analyse de cette particularité identitaire,  et merci. Zakaria Boualem estime donc de son devoir de citoyen de vous faire un petit point sur l’état d’avancement de ce noble projet, histoire de participer comme il peut à la construction du Maroc moderne, démocratique, parlementaire, berbère et andalou.

Au moment où nous écrivons ces lignes, nous n’avons pas de vraie fédération. La précédente a passé six mois à préparer son assemblée générale, aussitôt annulée par la FIFA. En fait, il n’était pas possible d’installer une nouvelle fédération en respectant nos lois du sport parce que celles-ci sont en contradiction avec celles de la FIFA. On a donc désigné une commission provisoire pour mettre en conformité ces statuts et d’organiser une nouvelle assemblée. Il est intéressant de noter que nos lois du sport n’ont pas changé, mais ces nouveaux statuts seront en conformité avec les lois de la FIFA. Autrement dit, ce qui n’était pas possible hier va soudain devenir possible demain, on ne sait pas pourquoi on ne l’a pas fait avant. Encore une fois, l’heure n’est pas au pinaillage, arrêtez s’il vous plaît d’interrompre ce récit, vous entravez la construction du Maroc moderne, parlementaire, méditerranéen… Evidemment, nous n’avons toujours pas d’entraîneur, et encore moins d’équipe. Cette commission s’est donc demandé s’il était de son ressort de désigner un entraîneur ou s’il fallait attendre l’assemblée. Vous êtes toujours là ? La commission a conclu que cette tâche ne relevait pas de ses fonctions. Par contre, elle a décidé d’honorer la prochaine date FIFA par un match contre le Gabon, avec un entraîneur sous contrat. C’est ainsi que nous avons inventé le concept d’entraîneur recruté à la tâche. Ce bonhomme va donc appeler les joueurs en Europe :

• Salut, tu es dans ma liste, tu viens jouer ?

•Vous êtes le nouvel entraîneur ?

• Non, je fais juste ce match, il faut préparer la Coupe d’Afrique.

• Mais c’est vous qui allez faire la Coupe d’Afrique ?

• Je ne sais pas.

• Je dois raccrocher, j’ai un problème de réseau.

•  Je te rappelle ?

• Euhhh non, je dois aller à la piscine.

 

Notre capacité à produire des situations illogiques relève sans doute de quelque malédiction. Zakaria Boualem en est à ce point de sa réflexion lorsqu’un malheureux mouvement de télécommande vient poser sur son écran la mi-temps du Superbowl américain, qui est la finale de leur Coupe du trône. Il observe la chose avec la stupéfaction d’un homme qui aurait vu débarquer un extraterrestre dans sa cuisine. Mi-temps, donc, une scène surgit à l’écran, un public apparaît sur l’aire de jeu, un groupe se met à jouer, rejoint par un autre groupe, le tout parfaitement éclairé, sonorisé et filmé, puis la scène disparaît, comme engloutie. Le public rejoint les gradins et la seconde mi-temps démarre. Le tout a duré 12 minutes, un prodige. L’humiliation est totale. Au moment où nous n’arrivons pas à trouver des hommes pour organiser des matchs de football, les Américains disposent d’individus capables de monter et de démonter deux concerts en 12 minutes. Après l’humiliation, le déni : la mi-temps du Superbowl n’existe pas, c’est un trucage réalisé en studio, les Américains n’ont pas marché sur la Lune, d’ailleurs ils n’existent pas, les Américains. Voilà, c’est ça ou devenir fou, et merci.