L’octroi par le cabinet royal d’agréments de taxis aux joueurs du Raja est une gifle pour le gouvernement. Et Abdelilah Benkirane, visiblement, se contente de tendre l’autre joue et d’attendre patiemment le prochain coup. Les joueurs du club bidaoui, arrivé en finale de la Coupe du monde des clubs, ont déjà été grassement récompensés : les honneurs d’une réception royale avec le wissam qui va avec, un chèque d’un montant à six chiffres de la cassette personnelle du roi, en plus d’un terrain pour que le club bâtisse un centre de formation. Les grimate sont donc de trop. Mais pas aux yeux des spin doctors du Palais, qui ont profité des demandes des footballeurs pour passer un message politique chargé de sens : le système des agréments est indémontable, il reste un privilège de la monarchie et le gouvernement ne pourra rien changer à cette économie de rente.
Rappelez-vous en 2012. En arrivant aux affaires, Abdelilah Benkirane avait promis d’en finir avec ce système. Aziz Rabbah, son ministre du Transport, avait bien commencé en rendant publique la liste des bénéficiaires des agréments de transport. Il avait créé un véritable séisme mais, face aux critiques, il avait dû ronger son frein. Et son Chef de gouvernement n’avait pas cherché à le soutenir.
Aujourd’hui, il paie donc le prix fort pour son immobilisme. En cédant de plus en plus de terrain à la monarchie, il lui a laissé la voie ouverte pour empiéter sur ses prérogatives et lui spolier le peu de pouvoir qu’il détient. Car, sur le papier, le Chef du gouvernement pouvait bel et bien contrer cette distribution d’agréments. Les grimate de taxis dépendent du ministre de l’Intérieur, un subordonné de Benkirane. Sauf que ce dernier a justement accepté, lors du remaniement ministériel en octobre dernier, de laisser ce département sensible lui échapper. Il a même souligné qu’il était ravi que le technocrate Mohamed Hassad rejoigne son team. Il cautionnait ainsi un ministre qui n’a de compte à rendre à personne, sauf aux hommes du Palais qui ont proposé son nom. Même devant le parlement où il a été convoqué pour s’expliquer sur cette affaire, Hassad n’a eu cure des élus dans la mesure où il n’a aucune légitimité populaire à défendre.
En revanche, les élus, eux, doivent en permanence mériter leur mandat. Leurs partis seront engagés dès l’année prochaine dans une nouvelle bataille électorale. Et personne ne les croira plus quand ils promettront de changer les choses. D’ailleurs, la popularité du PJD a déjà accusé un sérieux coup avec la déculottée électorale dans son fief de Salé à l’occasion de partielles communales.
C’est le début de la fin d’un processus de domestication d’un parti qui se prétendait différent. La suite, on peut donc déjà l’imaginer : ces grandes figures du PJD, que l’on pensait être des leaders capables de dire non, deviendront des politicards opportunistes qui n’ont rien à envier aux zaïms des partis de l’administration. Comprenez, des hommes prêts à tous les compromis pour maintenir leur statut de haut commis. Des hommes prêts à tout pour garder leur grima de ministre de Sa Majesté.