Voilà un chantier attendu depuis belle lurette. Le Maroc aspire depuis plus d’une décennie à créer une sorte d’Etat fédéral. Il a commencé sous l’ère de Hassan II avec le concept de décentralisation, la mise en place de régions administratives et la création de postes de walis. Sous Mohammed VI, la régionalisation est devenue une nécessité, surtout quand le royaume a choisi de faire du « plan d’autonomie élargie » sa carte maîtresse pour défendre, auprès de la communauté internationale, sa position dans l’affaire du Sahara.
L’installation de la Commission consultative pour la régionalisation, présidée par Omar Azziman, début 2010, et la présentation de son rapport un an plus tard devaient enclencher le processus pour traduire ce slogan politique séduisant en action concrète. A cette époque, la régionalisation justifiait, à elle seule, une réforme constitutionnelle, et les observateurs espéraient voir nos leaders politiques saisir l’occasion pour concevoir une nouvelle loi fondamentale qui tendrait vers un meilleur partage de pouvoir entre nos institutions. Mais voilà, le vent du Printemps arabe a soufflé du côté de chez nous et le maintien de la stabilité du royaume est devenu une nouvelle cause nationale. Les partis politiques se sont alors montrés plus royalistes que le roi et sont restés extrêmement timides dans leurs propositions.
La régionalisation a néanmoins été consacrée comme un principe fondamental de notre nouvelle Constitution. Mieux encore, sa mise en place est devenue un passage obligé pour la tenue d’élections communales et, de facto, comme un préalable pour le renouvellement de la Chambre des conseillers. Sauf que, depuis, rien n’a été fait. Pire, alors qu’on envisage le scrutin communal en 2015 et que l’on promet une batterie de lois électorales dès la prochaine session parlementaire, on ne voit pas encore le début du commencement d’un débat constructif autour de cette question.
Pourtant, il s’agit d’une architecture institutionnelle d’une extrême complexité. La régionalisation est bien plus qu’un mode de fonctionnement administratif, c’est une philosophie de gouvernance. Elle suppose d’accepter les spécificités de petits Etats dans un Etat uni. Elle implique la création de parlements et de gouvernements locaux. Elle engage aussi à la création de mécanismes qui permettent à la fois une autonomie des régions, mais aussi une solidarité entre elles, avec un juste dosage pour avoir une représentativité équilibrée.
Dans ce sens, les modèles dont on peut s’inspirer à travers le monde ne manquent pas. Celui des Etats-Unis d’Amérique, qui ont inventé le fédéralisme, est sans doute un des plus efficients. Le transposer suppose cependant une maturité politique que l’on est loin d’avoir chez nous. Pour s’en apercevoir, il suffit de comparer la puissance des messages politiques de Barack Obama lors de son discours annuel sur l’état de l’Union et le côté cérémoniel qui prévaut lors des ouvertures des années législatives du parlement par le roi, ou encore les pathétiques sautes d’humeur de Abdelilah Benkirane lors de ses passages mensuels devant les élus. Ce ne sont pas juste 5 heures de décalage qui séparent Rabat de Washington DC, mais plutôt plus de 200 ans de démocratie. Voire des siècles d’archaïsme.