Zakaria Boualem adresse une lettre à Frank Ribéry

Par Réda Allali

Salut à vous. C’est un début d’année particulièrement glorieux qui se dessine sous nos yeux. Zakaria Boualem, qui entame sans trembler sa treizième année dans les pages de cet estimable magazine, est tout entier absorbé par l’observation fascinante du monde qui l’entoure. Il y a pour commencer la France. Le spectacle d’une grande nation avec ses juristes, ses philosophes, ses journalistes, ses ministres mobilisés autour d’une quenelle est savoureux. Les voir gesticuler, et ce faisant augmenter l’audience potentielle de la quenelle, c’est formidable. Leur délire est puissant, c’est presque vexant pour nous, nous sommes battus. Ce n’est pas la seule affaire qui secoue l’Hexagone. Il y a aussi les aventures érotiques de leur président, que Dieu l’assiste.

Le plus drôle, dans cette affaire, c’est que notre héros de la littérature chérifienne s’est cru obligé d’adresser une lettre ouverte à sa compagne trahie. Oui une lettre ouverte, c’est à dire que tout le monde peut lire. On ignore tout du cheminement intellectuel qui a produit cette décision saugrenue. Extrait : « À présent, il vous faudra choisir : continuer à vivre à côté d’un homme qui est ce qu’il est et qui ne changera pas, ou bien tourner cette page douloureuse et trouver votre place, celle qui garantit votre équilibre et peut-être facilitera votre accès au bonheur. La pièce est mauvaise et le metteur en scène a souvent été absent, occupé par d’autres scènes, d’autres images et d’autres illusions. » C’est puissant. C’est beau, aussi, la mobilisation d’un artiste. Lorsque les gens sérieux et brillants se lancent dans des initiatives aussi étranges, il ne faut pas s’étonner si Zakaria Boualem, à son tour, décide de faire n’importe quoi. Il a donc pour projet d’adresser une lettre ouverte à Franck Ribéry pour le soutenir après son échec au Ballon d’or, en attendant celle qu’il écrira à Hannah Montana pour l’enjoindre de rallier le droit chemin. N’attendez plus rien du Guercifi, il a compris que pour survivre dans ce monde fou, il fallait gesticuler avec tout le monde.

«Cher Frank, J’entends ta douleur, sourde mais féconde. J’entends ton cœur et ton pied gauche, unis dans un long hululement de désolation. J’entends tes sanglots tourmentés. Le Ballon d’Or a trahi la vérité, ta vérité, pour se poser sur les épaules illégitimes d’un monceau de paillettes surmédiatisées. Le choc a dû être terrible. Telle est notre époque, on mange les footballeurs pour en extraire le jus amer d’une émotion frelatée. Tes cavalcades et tes trophées n’auront pas suffi. Tu as été battu par un produit de synthèse et relégué à la troisième place par un nain autiste. La vulgarité et l’inélégance préférées à ta force digne et discrète. Je suis à tes côtés.

Tes cicatrices sont nos cicatrices. Tu les portes sur le visage, elles sont dans nos cœurs. Quand on s’engage dans la Bundesliga, lorsqu’on ferroye sans trembler, corps et âme, dans cette tragédie qu’est la Ligue des champions et qu’on en sort glorieux, lorsqu’on asservit froidement les représentants du très catholique royaume d’Espagne, on est en droit d’attendre autre chose de ses pairs qu’une troisième place indigne, derrière – ô humiliation ! – ces mêmes vaincus wisigoths. Tu souffres. A présent, tu as le choix. Tu peux te lancer à nouveau dans la même bataille, repartir tel le chevalier dans des joutes improbables face à Mönchengladbach, y chercher ton équilibre, ou tu peux dire « ça suffit » et rejoindre le Raja (nous avons quelques problèmes sur le côté gauche depuis la méforme de Hafidi). Nous te proposons un Ballon d’or par mi-temps, une avalanche de gloire et un déferlement d’amour que seuls tes yeux sauront apprécier à leur valeur. L’islam vaincra.