« Au Maroc, gouverner, c’est pleuvoir ». Cette phrase de Théodore Steeg, le résident général qui a succédé au maréchal Lyautey, est toujours d’actualité. Surprenant, désolant même. Cela veut dire que le Maroc n’a pas changé. On a beau nous vendre des discours sur l’industrialisation du pays, sur l’objectif de 20 millions de touristes, sur les nouveaux métiers mondiaux du Maroc, le royaume est d’abord un pays rural. Et son économie, foncièrement agricole. Quand il pleut, tout va bien. Sinon, c’est le fellah, ce « défenseur du trône » selon l’expression célèbre de Rémy Le Veau, qui trinque, et c’est toute la machine politico-économique qui se grippe. Les chiffres le prouvent à souhait : l’agriculture est le premier employeur du pays avec 4 millions d’emplois, premier contributeur à la croissance du PIB avec une part de 14%. Le secteur fait vivre, surtout, quelque 18 millions de personnes établies dans les zones rurales, soit près de la moitié de la population. Ce n’est pas pour rien que le département de Aziz Akhannouch est devenu un ministère de souveraineté…
Il a ainsi suffi que la pluie tarde quelques semaines pour que tous les oracles du pays revoient les ambitions de croissance à la baisse. Exit les 4,8% prévus par le gouvernement, le Centre marocain de conjoncture de Habib El Malki nous dit que l’on ne fera pas plus de 2,7%. Tout comme le HCP de Ahmed Lahlimi, qui prévoit un petit 2,4% de croissance. Une averse de chiffres difficile à contredire et qui nous met face aux limites de notre modèle de croissance. Un modèle fondé sur du cyclique, sur l’aléa. Oublions alors les plans McKinsey, les visions vertes, bleu, azur, et contentons-nous de prier.