Pressé d’en finir avec ce chantier, le gouvernement a finalement dû faire marche arrière. Au moment de présenter son projet de réforme, il s’est ravisé sous la pression des syndicats.
Un pas en avant, un pas en arrière. La très attendue présentation du projet de réforme des régimes de retraite, programmée lors du conseil d’administration de la Caisse marocaine des retraites (CMR) le 7 janvier, n’a finalement pas eu lieu. Lors de cette réunion, le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaïd, s’est contenté de présenter le bilan des activités de 2013 de la CMR. Etonnant de la part d’un gouvernement qui semblait pressé de faire aboutir ce chantier.
Neuf ans de réflexion
Souvent présenté comme l’urgence du moment, le projet de réforme des retraites ne date pas d’hier. Le chantier, lancé en 2004 par Driss Jettou, n’a pas beaucoup avancé depuis. Neuf ans d’attente, c’est beaucoup pour une urgence… Et à en croire presse et politiques, la situation des fonds de pension se dégrade d’année en année. A commencer par la CMR, qui gère le régime civil des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités locales. La patate chaude est finalement tombée entre les mains du gouvernement Benkirane, qui n’a pas pu y échapper. Il a donc fait contre mauvaise fortune bon cœur, y voyant une carte politique d’ampleur à jouer. Mais c’était compter sans la résistance des syndicats, qui ont dénoncé leur exclusion lors de l’élaboration du projet. « Nous refusons d’être simplement consultés par le gouvernement. Nous devons, en tant que syndicat, prendre part aux négociations », a déclaré Larbi Habchi, membre du bureau central de la FDT, dans Aujourd’hui le Maroc du 7 janvier. Sa centrale syndicale, ainsi que la CDT, l’UGTM et l’UTM ont par conséquent boycotté les réunions consultatives organisées par l’Exécutif. Même le conseil d’administration de la CMR s’est indigné contre cette mise à l’écart et l’opacité du projet de réforme. Face aux critiques, le gouvernement a plaidé l’urgence pour se dédouaner de l’exclusion des syndicats. Et depuis que le FMI a, lui aussi, décrété que la réforme des retraites était la principale priorité du moment, le gouvernement semble disposer d’une carte blanche. Et il la joue sans hésitation.
Urgence ou pas ?
Or, selon Hassan El Mardi, membre du conseil d’administration de la CMR, il n’y a pas vraiment d’urgence : « La CMR na pas enregistré de déficit technique en 2013. Pourtant, des études et des déclarations avaient annoncé le déficit dès 2012 ». Bien au contraire, la Caisse a enregistré un excédent de plus de 2 milliards de dirhams. Et d’ajouter qu’« il ne devrait pas y avoir de déficit en 2014 non plus ». De quoi nuancer les justifications du gouvernement pour hâter l’application du projet de réforme, qui constitue un précieux bon point que l’équipe Benkirane II, en recherche de légitimité, pourrait opposer à ses détracteurs. Mais, puisque tôt ou tard, la réforme devra être faite, pourquoi être contre ? Ce que les syndicats redoutent, c’est l’application d’une solution de façade, destinée à colmater les brèches les plus apparentes du système. En d’autres termes, prolonger le sursis. De quoi faire avancer le bateau ivre pendant quelques années, avant qu’un dysfonctionnement ne se profile …
C’est d’ailleurs la raison qui a poussé la presse à souligner le « manque de courage politique du gouvernement ». Concernant le contenu du projet de réforme des retraites, les rares informations ayant fuité dans les médias laissent présager que l’âge de départ à la retraite sera fixé à 62 ans, contre 60 actuellement, afin que la dette du régime de retraites de la CMR, évaluée à 800 milliards de dirhams, soit progressivement réduite jusqu’à atteindre 200 milliards. Peu, très peu, pour parler de réforme.
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