La géopolitique mondiale est en pleine recomposition. L’Europe en crise peine de plus en plus à peser sur la scène internationale. Les Etats-Unis, forts de leur nouvelle indépendance énergétique, revisitent leurs relations avec les pays du Moyen-Orient. La Russie et la Chine poursuivent leur montée en puissance économique et se montrent diplomatiquement plus offensives. Ce sont là, tout du moins, les enseignements de l’actualité internationale. Les implications pour le Maroc sont multiples : quelles alliances faut-il sauvegarder ou renforcer ? Quels nouveaux partenariats nouer et avec quels pays ? Quels sont ces alliés dont les intérêts convergent avec les nôtres ?
Deux événements récents témoignent de la difficulté pour le Maroc de prendre la mesure de la nouvelle donne mondiale et de changer en conséquence son fusil d’épaule. Il s’agit d’abord de la récente visite royale aux Etats-Unis, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, mais sur laquelle les langues ont commencé à se délier. Et la vérité, c’est que nous avons frôlé le couac diplomatique. Le citoyen lambda pouvait déjà s’en douter au vu du communiqué conjoint diffusé à l’issue de la rencontre de 25 minutes entre le roi Mohammed VI et le président Obama : il est apparu clairement que la position américaine sur la question du Sahara n’a pas évolué d’un iota. En fait, dans l’opération séduction continue que nous menons auprès de l’Oncle Sam, ce n’est plus l’argument de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme ou de la stabilité qui porte, pas plus que celui de de l’amitié historique. Passée la parenthèse Bush, l’Amérique d’Obama est en effet revenue aux fondamentaux du doing business. Le seul intérêt que nous présentons à ses yeux est d’être une éventuelle tête de pont au déploiement de ses investissements en Afrique.
Le second signal alarmant nous vient de notre allié occidental le plus proche, la France. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault était en effet en visite officielle en Algérie les 16 et 17 décembre, et la rencontre qu’il a tenue avec son homologue algérien s’est clôturée par la publication d’un communiqué conjoint qui a de quoi nous vexer. Pour résumer, la France, sans mentionner le plan marocain d’autonomie pour les provinces du sud, soutient l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce n’est pas vraiment la position affichée par Paris lorsqu’en face se trouvent des interlocuteurs marocains.
Aussi faut-il nous rendre à l’évidence : nos soutiens les plus solides n’échappent pas à la realpolitik, leur intérêt n’est pas toujours de nous rendre les regards enamourés que nous leur jetons. Au vu des Etats-Unis qui nous snobent et de la France qui nous fait des enfants dans le dos, l’attitude de la Chine a de quoi nous mettre du baume au cœur. Lors de sa toute récente visite au Maroc et dans la région, le ministre chinois des Affaires étrangères n’est pas venu en donneur de leçons, il n’était pas non plus ici pour être questionné sur son soutien ou pas au plan d’autonomie. Sa mission était de proposer au roi un « partenariat stratégique » inauguré par une visite officielle à Pékin.
Au moment où le Nord, tenu par ses impératifs de politique intérieure, nous boude et nous parle de sujets qui fâchent – droits de l’homme et immigration – doit-on résister à l’appel du Sud ? Cèdera-t-on à la tentation de monnayer les portes de l’Afrique à l’investisseur le moins regardant et le plus offrant ? Le leadership européen et américain au Maroc est en tout cas loin d’être éternel. La bonne nouvelle, c’est que notre diplomatie semble l’avoir compris.