De nouveau, un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) fait les gros titres de la presse. Cette fois-ci, il concerne le secteur de la santé (voir p. 14). Et la qualité de ce travail vient à nouveau confirmer la compétence et l’intégrité des hommes et des femmes castés au lendemain du 20 février 2011 par Chakib Benmoussa, chargé alors par le roi de donner vie à une institution constitutionnelle qui n’existait qu’à l’état de friche.
Le bilan de ces presque trois ans d’activité du CESE est plus qu’honorable. Il a été l’organisme le plus prolifique en matière de production d’études. Fiscalité, marchés publics, compensation, Sahara, santé, parité, culture… les experts de cette institution ont touché à tout. La justesse de leurs propos a toujours convaincu, la pertinence de leurs recommandations a toujours nourri l’espoir qu’on va finalement « faire ce qu’il faut ». L’exemple le plus concret est sans doute celui du rapport commandé par le roi lui-même au sujet d’un nouveau modèle de développement des provinces du sud. La feuille de route proposée dans le pavé du CESE a été brandie par notre diplomatie comme un gage du sérieux de l’approche marocaine concernant la mise en place d’une régionalisation avancée du Sahara. Mais pour l’application effective de ce plan, on ne voit toujours rien venir.
Les chevilles ouvrières qui élaborent les différents rapports du CESE ne se font pas d’illusion : c’est au gouvernement de prendre le relais pour mettre en application leurs recommandations. Mais force est de constater que, jusque-là, les propositions du Conseil demeurent sans suite ; elles restent lettre morte avant d’être reléguées au fil du temps au recueil des bonnes intentions.
Cette incapacité de traduire des paroles en actes ou des propositions en mesures concrètes n’est pas propre aux seuls travaux du CESE. On peut le constater aussi quand il s’agit des différents rapports présentés à l’issue de commissions nationales chargées de mener de grandes réformes. Cet immobilisme trouve son explication dans un manque de courage politique. Le personnel partisan voit dans l’accès au pouvoir une fin en soi. Quant aux technocrates cooptés, ils restent vigilants pour ne pas mettre en péril les équilibres de pouvoir qui les ont conduits jusqu’aux postes à responsabilité. Résultat, les réformes émanant de part et d’autre ne vont jamais au fond des choses et restent cantonnées à des mesurettes paramétrées juste pour entretenir une illusion de changement. Mais c’est l’architecture même du régime qui veut cela. Un régime tiraillé entre des valeurs démocratiques modernes qui le fascinent et des réflexes totalitaires archaïques qui contribuent à asseoir sa légitimité. Un régime où les centres de décision sont éparpillés, permettant toujours aux hommes du pouvoir de garder la main sur l’agenda politique.