Le monde de la nature et des animaux, qui fascine Zakaria Boualem, regorge de techniques de chasse surprenantes. Ainsi, le caméléon a pour habitude de choper sa victime en plein vol, grâce à un coup de langue brutal et précis. C’est magnifique, surtout au ralenti. Son ami le crotale, lui, est doté de capteurs thermiques suffisamment affûtés pour repérer un écart de 0,003 degrés. C’est ainsi qu’il détecte sa proie et ses mouvements avec une précision diabolique. L’aigle royal, de son côté, est capable de fondre sur sa victime en vol piqué à la vitesse hallucinante de 300 km/h. Le poulpe, quant à lui, prend l’apparence d’un rocher et attend tranquillement le brave crustacé qui viendra s’installer nonchalamment sur ses tentacules puissants.
Note importante : Nous nous devons de préciser, avant de poursuivre le raisonnement, que ces informations sont rigoureusement exactes, l’aspect léger et la vocation burlesque de cette page ne nous autorisent pas à raconter n’importe quoi. Et merci.
A présent, Zakaria Boualem voudrait vous parler d’un vague ami à lui, qu’on nommera Abdelmoughit Belfrit. S’il s’agit de toute évidence d’un nom d’emprunt, ce n’est pas pour le plaisir d’écrire Abdelmoughit Belfrit, du moins pas seulement. Cet homme est sous la menace d’un projet de loi qui prévoit d’envoyer en prison pour quatre ans quiconque se livrera à du “harcèlement sexuel sur la voie publique.” Or cet individu a pour fâcheuse habitude de se planter au coin de sa rue et de se livrer à une activité qu’on peut légitimement qualifier de harcèlement sur la voie publique. Inutile de décrire le bonhomme, vous avez tous compris de quel comportement il s’agit. Ce truc est une abomination. Si la loi passe, il risque la taule une fois par heure.
Maintenant la question : quel est le point commun entre le caméléon, le crotale, l’aigle royal, le poulpe et Abdelmoughit Belfrit ? Leur technique de chasse fonctionne. Si elle ne marchait pas, ils l’auraient modifiée ou ils auraient disparu de la surface de la terre. Si on accepte le postulat que Abdelmoughit n’est pas plus idiot qu’un crotale, alors il faut en conclure que, comme ce dernier, il obtient suffisamment de succès pour ne pas avoir à remettre en cause son ignoble technique. Ce qui est même vexant, c’est qu’il obtient avec les femmes un succès largement plus net que notre héros, le sémillant Zakaria Boualem. Pendant que le Guercifi tente de les faire rire, de les émouvoir, de les écouter, de les surprendre, bref de les séduire, le Abdelmoughit se plante à un coin de rue, se comporte comme un sagouin et parvient à ses fins. Je vous vois dubitatifs : de quel type de femme parle-t-on ? C’est une question intéressante, mais elle est un peu hors sujet, puisque Abdelmoughit ne se préoccupe que de la quantité, jamais de la qualité. Voilà un point qu’il fallait signaler à vous, cher lecteur : c’est triste, mais la technique de Abdelmoughit peut fonctionner, oui.
Que peut-on conclure de cette affaire ? Cette loi est-elle inutile ? Pas du tout, c’est au contraire une excellente idée, à condition que les victimes ne se transforment pas en coupables, par un tour de passe-passe dont on a le secret chez nous. Et merci.
PS : Comme tout le monde, Zakaria Boualem a été extrêmement troublé par la tension soudaine avec nos voisins algériens. Il aurait pu vous concocter un chapitre sur le sujet, avec des histoires de fraternité, de communauté culturelle, de raï, de spector Tahar, et même de complémentarité économique. Mais on lui a froidement expliqué que les Etats n’avaient pas d’émotions, que seuls leurs intérêts comptaient, que l’heure n’était pas aux sentiments mais à la géopolitique. Soit, il va donc faire de la géopolitique : nous avons des ennemis au nord, qui ont réussi à faire descendre un million de patriotes dans les rues. Nous avons aussi des ennemis à l’est, et quant au sud, il vaut mieux ne pas en parler… A l’ouest, des poissons. Nous sommes donc un peu une île. Il n’est pas très fort en géopolitique, le Boualem, mais il lui semble bien que cette situation n’est pas géniale, et merci.