C’est un rendez-vous annuel. A chaque mois de mars, le bulletin du PNUD tombe avec son lot de mauvaises notes pour le royaume. Selon l’indice de l’organisation onusienne (IDH), le Maroc est un cancre en matière de développement humain. On reste figés à notre 130ème place sur 186 Etats. Ça fait trois ans qu’on fait du surplace. On fait à peine mieux que l’Irak rongé par la guerre. On fait moins bien que des pays comme le Nicaragua, le Botswana ou le Viêtnam. Et on est loin, très loin d’Etats qu’on serait incapable de situer sur une mappemonde, comme Saint-Christophe-et-Niévès (fédération de deux minuscules lopins de terre situés dans la Mer des Caraïbes) qui occupe la 77ème place. Pire encore, nos concurrents directs, des pays qui nous sont comparables comme la Tunisie, l’Algérie ou l’Egypte, nous dépassent de plusieurs rangs dans ce classement.
Deux secteurs en particulier entravent notre développement : la santé et l’éducation. Pas surprenant, nos carences dans ces domaines sautent aux yeux. La semaine dernière, par exemple, le ministre de l’Education nationale himself a sanctionné d’un 0/20 l’orthographe d’une maîtresse de français après avoir assisté à son cours… Normal donc que nos jeunes écoliers ne sentent pas l’utilité de s’éterniser sur les bancs de l’école : la durée de scolarité moyenne du Marocain est de 4,4 ans, contre 6,6 ans pour le Tunisien. Quant à la santé, il suffit juste de rappeler nos statistiques catastrophiques : un médecin pour 1775 habitants (bien en dessous des standards de l’OMS) et un centre hospitalier sur deux (parmi les 137 que compte le pays) a plus de 40 ans d’âge. Ça en dit long sur la vétusté, le sous-équipement et le sous-encadrement de l’hôpital public.
Ces indicateurs de sous-développement contrastent avec une perception de prospérité économique. Le rapport du PNUD ne manque pas de le relever : le Maroc décroche un accessit comme étant une “nouvelle route commerciale”, donc un pays mondialisé ouvert aux flux financiers et aux échanges commerciaux. Et il est vrai que depuis l’intronisation de Mohammed VI, le royaume a changé de visage : des autoroutes, des malls, des tramways, des stations balnéaires, des ports, des aéroports… sont sortis de terre. On a rattrapé en treize ans une bonne partie du retard, hérité de l’ancienne ère en termes d’infrastructures. Soit. Et c’est sans doute grâce à cette volonté de Mohammed VI de marquer l’histoire comme étant un roi bâtisseur. On aurait donc souhaité retrouver cette même impulsion royale pour ces deux domaines que sont l’éducation et la santé. Car il s’agit de besoins primaires qui auraient toute leur place au rez-de-chaussée d’une pyramide de Maslow mise à jour.
C’est sur ces deux secteurs qu’il faut aujourd’hui mettre le paquet. Concevoir et mettre en œuvre pour eux une vision nationale, doper leurs budgets qui restent loin de combler les besoins (même s’ils sont en progression). Jusque-là, Mohammed VI ne les évoque que rarement dans ses discours. Et même s’il lance régulièrement de grandes opérations (INDH, Un million de cartables, Ramed et tout récemment le Plan national de prise en charge des urgences médicales), il reste tellement à faire. Pour rattraper le retard cumulé, il faut donc que l’éducation et la santé deviennent des chantiers royaux, qu’ils soient déclarés chantiers de règne. Hélas, c’est le seul mode qui fonctionne. C’est ainsi qu’on verra l’effort de l’investissement public se concentrer sur ces volets, quitte à lever le pied sur ces grands projets d’infrastructures budgétivores. Pour illustration, la dotation de 500 millions de dirhams allouée au plan pour les urgences médicales correspond à peine à 5 km du coût du TGV Casa – Tanger. Et comme ne cesse de le marteler le collectif Stop TGV, l’enveloppe d’investissement de 25 milliards de dirhams allouée à cette ligne à grande vitesse permettrait de financer 25 000 écoles dans le monde rural ou encore 22 000 lits d’hôpitaux dans 25 CHU flambant neufs. Voilà de vrais projets de développement humain, bien plus prioritaires que des projets grandioses juste bons à entretenir une illusion de développement.