L’Etat est fauché, le business tourne au ralenti, les banques n’ont plus de sous, des PME virent du monde, d’autres mettent carrément la clé sous le paillasson… C’est la crise. Une crise comme on n’en a jamais vécu. Et son paroxysme coïncide avec l’arrivée aux affaires du nouveau gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane. Ce serait injuste, voire malhonnête, de le rendre responsable de cette situation. Il en a hérité, il ne l’a pas créée. Mais c’est son job aujourd’hui de nous sortir de là, ou du moins de faire de son mieux pour aider l’économie à traverser cette période de vaches maigres en limitant la casse. Il s’est présenté aux élections, il les a gagnées, il a été nommé, personne ne l’a obligé… C’est donc à lui d’assumer. Mais là, force est de constater qu’on ne voit pas Benkirane se démener avec son équipe dans tous les sens pour régler des problèmes, pour gérer ces dossiers chauds qui surgissent chaque jour. Prenez le cas du défaut de paiement de l’ONEE, qui met aujourd’hui en péril des centaines d’entreprises du secteur de l’électricité. On n’a pas vu le Chef du gouvernement convoquer le ministre de l’Energie, le patron de l’Office public, les représentants des sociétés concernées à une réunion marathon pour en sortir avec une solution. Un Driss Jettou l’aurait fait. Il aurait même trouvé le moyen de gentiment forcer la main aux banquiers pour soutenir ces boîtes et les aider à traverser cette mauvaise passe. Un autre cas parlant est celui du secteur de l’audiovisuel. Depuis l’adoption des cahiers des charges des chaînes publiques, c’est le flou total. Les sociétés de production sont au chômage technique en attendant que Mustapha El Khalfi prenne la peine de représenter sa copie devant le Conseil de gouvernement, puis devant la HACA afin de permettre une reconduction de certains programmes. Pourtant, cela fait un mois que le Secrétariat général du gouvernement l’a avisé de la nécessité de cette retouche réglementaire. Et, entre-temps, au moins deux Conseils de gouvernement se sont tenus.
Ce manque d’action gouvernementale et de réactivité réglementaire nous renvoie l’image de ministres pantouflards. Doucement le matin. Pas trop vite le soir. Des décideurs qui prennent tout leur temps avant d’agir, inconscients que le pays est dos au mur et que désormais chaque seconde compte. Et c’est valable pour tous les départements. La primature en tête. D’ailleurs, pourquoi un Benkirane n’est-il pas allé jusqu’au bout de son projet de réforme de la Caisse de compensation ? Certes, on lui a mis des bâtons dans les roues : un rapport sécuritaire pour le prévenir que les gens allaient descendre dans la rue si les prix augmentaient (le scoop !), une sortie médiatique d’un allié pour l’accuser de tentative d’achat de voix. Et ça a suffit pour que Benkirane fasse le dos rond. Comme s’il attendait le premier prétexte pour faire marche arrière et renvoyer le projet de réforme à l’année prochaine, inchallah…
Bref, on ne sent pas cette hargne chez Benkirane et sa team de se battre tous les jours. De se tuer à la tâche pour faire bouger les choses. Eux préfèrent plutôt se gargariser à nous vendre leur vision d’une société parfaite où corruption, impunité et rente seraient éradiquées. C’est louable ! C’est nécessaire ! Mais ce n’est pas une raison pour tout arrêter. On peut essayer de réformer en avançant. On ne peut pas se permettre le luxe dans ce contexte de crise de tout remettre à plat. On n’a pas besoin aujourd’hui de professeurs de médecine pour théoriser au sujet des maux de notre société. On a surtout besoin d’urgentistes capables d’arrêter l’hémorragie, de sauver des emplois, de rassurer des investisseurs, de donner de la dynamique. Trois ans et demi encore à tenir avec Benkirane, c’est long, très long… Mais c’est le revers de la démocratie. Et c’est un passage obligé !