Zakaria Boualem est enseveli sous des tonnes de couvertures

Par Réda Allali

Zakaria Boualem vous parle cette semaine depuis son seddari, enseveli sous un nombre absurde de couvertures en tout genre. Il fait partie de cette catégorie de marocains qui pensent qu’en empilant les couches, on se protège du froid. Des gens qui sont tous les ans surpris par cette baisse de température en décembre, comme s’il s’agissait d’une anomalie climatique. Mais il n’a pas à se plaindre, bien sûr, puisqu’il vit dans une ville et qu’il dispose de moyens de se couvrir. A Anefgou, douar perdu dans les montagnes, des villageois sont morts de froid. Exactement comme en 2007, oui. Et probablement comme en 1276, ou en 824, vous avez raison de le souligner. La situation ne se dégrade donc pas, c’est juste l’information qui circule mieux. Les plus optimistes d’entre nous trouveront sans doute dans la phrase précédente de quoi se réjouir, ils ont bien de la chance. La répétition des catastrophes, loin de provoquer une mise en place de solutions, se contente de les banaliser, nous sommes bien dans les ténèbres. Dans quelques semaines, on va sans doute nous annoncer qu’une jeune fille mariée avec son violeur s’est donné la mort et ça va passer comme du petit lben. Zakaria Boualem ne sait pas ce qui nous empêche d’abolir cet article de loi lamentable, mais il doit probablement y avoir une bonne raison. Il ne veut pas la connaître, cette bonne raison, mais elle doit forcément exister, puisque nous sommes dans les ténèbres et que nous y évoluons sans complexes.

C’est donc terré sous son bourabe7 que le Zakaria Boualem tombe sur cette formidable déclaration de notre Chef de gouvernement, que Dieu lui vienne en aide : “C’est pour éviter les arrestations et les incarcérations que nous recourons à la violence lors des manifestations”. Il a commencé par se demander si c’était une blague. C’est un des aspects les plus troublants de cette nouvelle ère : il est souvent difficile de faire la différence entre une vraie déclaration d’un responsable politique et les divagations d’un plaisantin, les frontières s’estompent… Dans les ténèbres, nous sommes tous des ombres… Lorsqu’un ministre défie Obama sur le plan des infrastructures scolaires ou qu’un maire veut construire sa tour eFAIL, bon, ben, comment dire, c’est un peu embarrassant. Revenons à monsieur Benkirane, donc, et à sa noble sollicitude pour nos jeunes. S’il y a beaucoup de pays qui castagnent les manifestants, rares sont ceux qui ont trouvé une justification aussi baroque pour cette attitude, il faut le reconnaître. Zakaria Boualem est un peu surpris, il n’a pas l’habitude de voir nos responsables aussi bienveillants, même si cette bienveillance se traduit dans l’immédiat par une petite zerouata. Notre Chef de l’Exécutif ira-t-il jusqu’au bout de cette bonté et proposera-t-il à ces mêmes jeunes un système d’éducation décent, quelques bibliothèques et autres terrains de sport ? Ne nous emballons pas, commençons dans un premier temps par la zerouata. Zakaria Boualem est injuste bien sûr, ses dernières phrases sont pleines de mauvaise foi. On ne peut pas imputer au nouveau Chef de gouvernement les tares d’un système qui perdure depuis des décennies. C’est bien le problème : personne n’est responsable de rien, on ne peut rien changer, on est régi par des forces obscures alliées à la puissance de l’existant, c’est terrifiant.

Pour terminer cette pénible page, et comme promis la semaine dernière, voici une vraie bonne nouvelle : “Dix-huit membres de l’équipe nationale de football érythréenne ont disparu à Kampala, capitale de l’Ouganda, après l’élimination de leur équipe dans le championnat du Conseil des fédérations de football d’Afrique orientale et centrale (Cecafa)”. La délégation érythréenne s’est donc retrouvée constituée de deux footballeurs et cinq dirigeants à leur retour au pays, on imagine la belle ambiance dans l’avion. On peut se demander pourquoi l’Ouganda, et la réponse est simple : s’ils s’étaient qualifiés pour la CAN, ils auraient déguerpi en Afrique du Sud, mais apparemment, ils sont coincés dans ce peu glorieux “championnat du Conseil des fédérations de football d’Afrique orientale et centrale” qu’on imagine plein de matchs palpitants. On peut aussi se demander pourquoi c’est une bonne nouvelle : eh ben parce que ce ne sont pas des Marocains ! C’est tout ? Ben oui, et merci.