Zakaria Boualem s'interroge sur la légalisation du cannabis

Par Réda Allali

Zakaria Boualem pense qu’il est temps. Le moment est arrivé, il faut juste un peu de courage pour se lancer, affronter enfin son destin. Le Colorado a décidé en son âme et conscience de légaliser la consommation de cannabis. Pas sous le couvert hypocrite d’un usage médical quelconque, pas du tout : il s’agit de s’enfumer la tête, tout simplement. Un ami du Boualem lui faisait remarquer qu’il avait du mal à imaginer une population majeure et responsable voter à la majorité pour le droit de se retourner les neurones, et quand on y réfléchit un peu, il a raison. Pourtant, ce brave état a décidé de s’adonner librement au ja3bou9, et par les miracles de la démocratie, il en a obtenu le droit dès le lendemain du vote. On parle du Colorado, hein, pas de la Californie new age branchée contre-culture, pleine de hippies et de surfers… Non, non, le Colorado, un endroit que Zakaria Boualem imagine peuplé de colosses aux cous rouges et puissants qui se font des barbecues de buffalo entier en s’apprêtant à envahir un Irak quelconque qu’ils n’arrivent pas à placer sur une carte. Bref, ils ont légalisé le cannabis, ils pourront fumer un coup pour digérer leur grizzly farci. Au Portugal, en Espagne, au Danemark, aux Pays-Bas ou en République Tchèque, la possession de cannabis pour usage personnel est tolérée. Autrement dit, tous ces braves gens ont estimé que fumer un joint, ce n’était pas grave. Mais nous, qui en produisons justement, on nous explique que c’est très grave et qu’il faut arrêter tout de suite. Entendons-nous bien, Zakaria Boualem ne fume pas, il estime même qu’à haute dose, cette substance rapproche dangereusement l’homme du règne végétal. Mais là n’est pas la question. On parle money, baby, flouss… Si vous pensez qu’on va s’en sortir avec notre phosphate et nos deux charmeurs de serpents, vous vous trompez. D’ailleurs, si ce genre de stratégie marchait, on l’aurait déjà remarqué, et merci. Le monde entier a besoin de se détendre, on n’y peut rien, toutes les peuplades du monde sans exception ont trouvé dans la nature qui les entoure de quoi les y aider. Laissons de côté la morale, donc, parlons business, et merci. Voici le plan. Commencer par saisir la cour internationale du commerce des droits de l’homme de La Haye, ou un truc du genre. Axer sa plaidoirie sur le thème : les gens du Colorado, ils veulent fumer des joints, et nous, justement, on en a plein, en quantité abondante et de bonne qualité. Au nom de la liberté individuelle, du libre-échange des marchandises et du simple bon sens, nous souhaiterions commercer avec nos frères en fumée. Parce que, vous comprenez, ces gens qui nous ont interdit d’en produire, ils ont changé d’avis, ils fument aujourd’hui dans la rue. Mais nous, pauvres colonisés mentaux, on est incapable de changer d’avis sans leur autorisation. Alors, c’est d’accord ?

Donc le tribunal va nous donner raison, c’est une évidence. Mais il faut aller vite, parce que pendant qu’on se pose des questions métaphysiques, des affaires juteuses se montent. Le très sérieux quotidien français Le Figaro évoque cette semaine les “opportunités d’investissement liées à la légalisation du cannabis” et commente l’explosion des cours de Bourse des entreprises du secteur. Ces entreprises sont américaines, bien sûr, mais elles devraient être marocaines : nous avons la connaissance du produit, la légitimité historique et tout ce qu’il faut pour prospérer demain matin.  Ce n’est pas la première fois que Zakaria Boualem propose cette stratégie, mais ne lui en voulez pas, c’est sa seule contribution possible à la mise sur orbite de notre économie, il sent bien que ça piétine un peu, et merci.

  

PS : Gaza sous les bombes, la Syrie ravagée. L’horreur quotidienne. Tout a été dit. Une chronique ne sert à rien, un tweet ou un statut Facebook encore moins. Des actions dérisoires au regard de la catastrophe. Faut-il pourtant le faire, sans illusion, parce que “c’est mieux que rien” ? Faut-il passer à autre chose ? Mais quoi, que peut-on proposer pour arrêter l’horreur ? Zakaria Boualem ne sait pas, voilà, il voulait vous le dire.