Le Mixed Martial Arts, le dernier né des sports de combat, attire de plus en plus d’adeptes. Zoom sur une tendance qui prend de l’ampleur.
Vendredi à 19h45. Quelques grosses cylindrées sont garées devant un immeuble situé entre le quartier Maârif et le boulevard Ghandi. On est à l’Active Dojo Club de Casablanca. A l’intérieur, adolescents et adultes, à peine sortis de l’école ou du bureau, se préparent à un entraînement de choc. Le temps de tomber la chemise (ou la cravate pour certains), d’enfiler un short, des protections (protège-tibias, protège- dents, gants) et les voilà devenus gladiateurs l’espace d’une heure. Ils pratiquent le MMA (Mixed Martial Arts), une discipline venue tout droit des Etats-Unis et désormais très prisée par les clubs d’arts martiaux de la capitale économique. Chômeurs, étudiants, employés, avocats, hommes d’affaires… tous raffolent de ce sport de combat. “L’attrait pour le MMA a été accentué par les spectacles de free fight diffusés sur les télévisions câblées. Sans oublier que de plus en plus de gens optent pour des disciplines mixtes plutôt que de s’ennuyer à pratiquer seulement le judo ou le taekwondo par exemple”, analyse le patron du club, Jean-Michel Cano, un Casablancais pur jus, ceinture noire et quatrième dan au judo.
A bout de souffle
A 20h précises, le cours commence. Sur le tatami jaune et bleu, ils sont une vingtaine. Grands et petits, chétifs ou baraqués… toutes les corpulences sont admises. Au menu ce soir, des échauffements en groupe, suivis d’une série d’exercices pour renforcer la masse musculaire. C’est Rali Jei qui mène la danse d’une main de maître. Il faut dire que le physique et le palmarès de ce judoka franco-marocain, ex-champion de France de boxe thaï, ont de quoi imposer le respect. Après 30 minutes d’entraînement, les corps commencent à souffrir. Mais la séance ne fait que commencer. A l’affût d’une éventuelle baisse de rythme, Rali n’hésite pas à motiver ceux qui traînent des pieds. Il est d’ailleurs le premier à donner l’exemple sur le tatami. Pour encourager ses disciples et leur donner la rage de vaincre, il met du rap sur sa sono et monte le volume au maximum. Une fois l’adrénaline à son top niveau, les élèves s’organisent par groupes de deux pour travailler des techniques de combat comme les “liaisons de boussole”, qui consistent à anticiper l’attaque de l’adversaire et préparer la riposte. “Au MMA, nous travaillons beaucoup au sol, explique Rali. Ça permet les étranglements, les clés de bras, de coudes ou de jambes pour immobiliser l’adversaire”. Moyennant un abonnement annuel de 5000 DH pour deux à trois entraînements par semaine, plusieurs personnes, très jeunes ou même quadras, optent pour cette discipline. Mais qu’est-ce qui pousse ces gens à se donner tant de peine ?
Les nerfs à vif
On ne le répètera jamais assez : contrairement à ce qu’on croit, les Marocains pratiquent les arts martiaux bien plus que le football ou l’athlétisme. S’agissant du MMA, la discipline attire des profils très divers. Un mot revient sur toutes les lèvres, pour justifier ce choix : le stress. “Dans la rue, au volant de ma voiture, avec mes employés, je ne fais que cumuler le stress. En fin de journée, après avoir vomi mes tripes à l’entraînement, je deviens zen”, explique Tawfiq Benjelloun, 38 ans, patron d’une société de textile. Il a découvert la discipline sur Canal + et, depuis, ne jure que par ce sport dédié aux gladiateurs des temps modernes. Les parents également optent pour ce sport où leurs rejetons peuvent apprendre à se défendre, en plus d’acquérir de l’endurance, apprendre la discipline et le respect de l’autre. “De plus en plus de parents placent leurs enfants dans les sports de combat pour canaliser leur agressivité. C’est regrettable qu’une ville comme Casablanca ne permette plus aux jeunes de dépenser leur énergie dans la rue”, souligne cet entraîneur d’un club d’arts martiaux.
Arène et sueur
Au Maroc comme partout dans le monde, depuis deux ans, le phénomène MMA prend de l’ampleur. “Le nombre d’inscriptions aux cours de MMA situe la discipline en troisième position, juste derrière le judo et le taekwondo. Je pense que, dans deux ans, le MMA sera la première discipline dans les clubs d’arts martiaux au Maroc”, souligne Jean-Michel Cano. Ce natif de Casablanca en 1972 et maître judoka a été formé par Hassan Ididir, star éphémère de la chanson du début des années 1990. “Peu de gens savent que Hassan était vice-champion d’Afrique de judo et qu’il dirigeait le Dojo Olympique Casablancais, situé au Maârif”, ajoute-t-il. Devant le succès inattendu du MMA, le club va investir en 2012 dans une cage d’entraînement et de combat en forme d’octogone de 5,60 m. Coût de l’opération :
60 000 DH. “Dès que la cage est en place, il y a une montée d’adrénaline et les sportifs ont hâte d’y entrer. Mais n’exagérons rien, c’est le même effet que pour un nageur devant une piscine olympique”, analyse Jean-Michel Cano. Depuis, le club organise des combats de trois rounds de trois minutes chacun. En ce début de saison, les corps ne sont pas encore prêts, mais les athlètes s’impatientent déjà. Cependant, il est hors de question de lésiner sur la sécurité. “Avant d’entrer dans la cage, chaque combattant doit porter des protèges et, une fois qu’il est immobilisé et qu’il n’en peut plus, il doit faire signe pour mettre fin au combat”, rassure l’entraîneur Rali Jei, qui finit la séance en donnant des cours de diététique à ses disciples pour mieux récupérer et éviter les courbatures. “Mangez naturel, inutile de prendre des compléments. Mangez des œufs et des sardines pour les protéines, et si vous avez des courbatures, prenez simplement de l’aspirine avant de dormir”, lance-t-il à son auditoire. Il est 21h15, tout le monde se salue avant de disparaître dans les vestiaires
MMA. Mortal combat ? Le Mixed Martial Arts (MMA) est une discipline qui réunit les sports de combat les plus connus. Née au Brésil, elle a été popularisée aux Etats-Unis, en 1993, quand UFC (Ultimate Fighting championship) a commencé à monter des combats d’un nouveau genre, avec pour idée de confronter des adversaires pratiquant le judo, le jiu-jitsu brésilien, la boxe ou même de simples bagarres de rue. La mise en scène de ces spectacles ultraviolents va avoir un succès planétaire. Les adversaires peuvent frapper avec les poings, les pieds, les genoux, et poursuivre le combat au sol en utilisant des techniques de préhension pour neutraliser l’adversaire. Presque toutes les zones de frappe étaient autorisées. Sous la pression de la presse et des associations des parents, l’UFC, alors au bord de la faillite, sera rachetée et son acquéreur fera le choix de réglementer la discipline en donnant le droit aux arbitres d’arrêter un combat en cas d’excès de violence. A l’instar de ce qui se passe dans plusieurs pays européens, au Maroc, la discipline n’est reconnue par aucune fédération nationale, même si sa pratique explose dans les clubs du royaume. |