Exotique et entraînante, difficile de ne pas succomber à la salsa. Au Maroc en tout cas, nombreux sont ceux qui ont été contaminés par la fièvre latino. Lumière sur un phénomène qui prend de l’ampleur.
Des percussions, quelques notes de piano, des corps qui se rapprochent et une ambiance muy caliente : le mercredi, c’est bel et bien “soirée salsa” au Triplex de Rabat. L’occasion pour les salseros et salseras en herbe de montrer leur savoir-faire. Ils sont nombreux, la densité humaine sur la piste de danse ferait presque penser à un élevage de poules. “Il y a un réel engouement pour cette danse. Beaucoup de personnes qui prennent des cours de salsa ont besoin d’un endroit chaleureux, où pratiquer et se retrouver entre amis. A la demande de certaines connaissances, on a décidé d’organiser une soirée hebdomadaire”, explique Hamza Bennis, propriétaire du restaurant-pub. Au Maroc, la salsa et les ambiances latines ont la cote depuis quelques années. A Casablanca, Rabat ou Tanger, fleurissent peu à peu des bars d’ambiance latino, des écoles de danse et des festivals. Parmi les plus connus : le Salsa Festival International de Marrakech, qui accueille plusieurs milliers d’aficionados, et le Salsa Gala Casablanca, qui propose trois jours de festivités non-stop agrémentées d’ateliers et de workshops.
Fiesta latina
Un pas à gauche, un autre à droite, un petit déhanchement par-ci, un pas marché par-là, la salsa à l’air facile mais il n’en est rien. En plus d’apprendre les figures imposées, il faut surveiller la position de ses pieds et rester dans le rythme tout en suivant son partenaire. De quoi ressembler à un robot court-circuité lors des premiers essais, tant la coordination des mouvements est difficile. Mais pas insurmontable puisqu’un danseur peut maîtriser les rudiments de cette danse cubaine après trois mois de cours. Passé cette étape, les apprentis danseurs passent au perfectionnement : encore plus de mouvements et de jeux de pied. Pas de panique cependant pour les moins téméraires, les écoles proposent différents cours selon le niveau des élèves.
Concrètement, une séance dure en moyenne 45 minutes : 10 minutes d’échauffement, 20 minutes d’entraînement et 15 minutes de pratique. Il n’est pas obligatoire de venir avec un ou une partenaire. Les écoles s’arrangent pour avoir le même nombre d’hommes et de femmes pendant les cours. Très souvent, les danseurs alternent les partenaires dans un mouvement circulaire. L’occasion aussi de créer une harmonie dans le groupe et de développer les relations sociales. La salsa, c’est aussi ça : une danse conviviale, chaleureuse et envoûtante. “Cette danse prend de l’ampleur grâce à son caractère social. La salsa se pratique en couple au sein d’un groupe. C’est une sorte de réseau social où l’on peut tisser de nouvelles relations”, explique Younes Kaddouri, passionné et organisateur de l’évènement Salsa Gala Casablanca.
Dance me to the end of life
La salsa séduit tous les profils, “hommes, femmes, techniciens ou hommes d’affaires, jeunes et moins jeunes suivent nos cours”, affirme Ilham Tadili, danseuse professionnelle et directrice du MOMA Dance School, à Casablanca. Comment cette danse parvient-elle à fédérer une population si hétéroclite ? Première explication : les tarifs sont plutôt abordables et varient entre 250 DH et 500 DH par mois. Deuxième élément de réponse : la combinaison du plaisir, de l’art et du sport. Oui, la pratique de la salsa permet de brûler beaucoup de calories et de se muscler. Seulement, dans l’imaginaire des “traumatisés du sport”, la danse paraît beaucoup moins éprouvante qu’un footing ou qu’une heure de musculation. Troisième facteur : la culture latine et la culture orientale ont de nombreux points communs. “Les rythmes des deux continents sont très proches et parlent forcément à l’oreille des Marocains. Les mouvements de la salsa ressemblent aux mouvements des danses orientales, notamment les déhanchements. Et puis les chansons latines parlent très souvent d’amour, un thème très cher aux Orientaux”, explique Ilham Tadili, qui pense également que les gens ont besoin d’oublier leur quotidien parfois morose en pratiquant une activité joyeuse et bonne pour le moral. Enfin, la salsa a bonne réputation : l’industrie musicale et cinématographique y sont pour quelque chose, les plus gros tubes de l’été sont souvent l’apanage des stars latinos (Ricky Martin, Jennifer Lopez et Pitbull). D’ailleurs, cette danse est mise à l’honneur dans de nombreux films et blockbusters, le dernier en date étant StreetDance 2, où l’héroïne n’est autre qu’une danseuse pour le moins salsaliente.
Le diable au corps
La salsa est une danse qui déborde de sensualité, où les corps tournoient et s’entremêlent avec volupté. Du coup, elle est jugée parfois trop sexy et à la limite de la provoc’. Mais pour les spécialistes, ce ne sont là que des préjugés. “La salsa est une danse où les corps sont moins collés que dans une valse ou un tango”, affirme Ilham. “Je reçois fréquemment des appels de gens intéressés par des cours de salsa mais qui se posent des questions et qui ont besoin d’être rassurés. Je leur conseille d’essayer afin qu’ils voient si cette pratique ne va pas à l’encontre de leurs valeurs. Au final, ils ne sont pas du tout choqués par le fait de danser en couple ou de rouler des hanches. L’ambiance est bon enfant et tout le monde est là pour apprendre et s’amuser”. Voilà de quoi rassurer les plus réticents. Un dernier stéréotype : la salsa serait une danse de machos. En effet mesdames, ce sont les hommes qui mènent la danse. C’est d’ailleurs une grande responsabilité pour eux car, si le meneur est mauvais, c’est la catastrophe assurée. Enfin, la salsa joue sur les clichés. La gent masculine doit témoigner de sa virilité au moment d’effectuer des figures en solo. Mais après tout, les femmes se doivent d’être gracieuses, glamour et séductrices. Au final, match nul pour les lieux communs. So, shall we dance ?
Histoire. Au commencement était le son… La musique salsa prend ses origines dans le son (prononcer « sonne ») cubain. Le son lui-même est issu d’un métissage de plusieurs cultures amenées par la colonisation espagnole, les esclaves d’Afrique de l’ouest et les Caraïbes. La salsa existe donc dès 1920, sauf qu’on la qualifiait de musique “latino”. Ce genre musical était principalement diffusé par des New-yorkais appartenant aux communautés portoricaines, cubaines, haïtiennes et dominicaines. C’est à ce moment que des éléments de jazz furent introduits à la salsa, notamment la trompette. A partir des années 1940, plusieurs groupes de musique, comme celui du célèbre musicien Tito Puente, surnommé “le roi de la timbale”, popularisent ce genre en dehors de New York. Dans les années 1970, la musique latino connaît cependant un coup de mou. Pour relancer le marché, l’industrie musicale décide de lui donner un air nouveau. C’est à ce moment que les professionnels du marketing emploient le mot “salsa” pour qualifier ce genre musical dont les mélodies seront composées de rythmes plus lents et de mélodies romantiques. En 1990, cette musique retrouve toute sa gloire et redevient à la mode. Le public se plaît à danser la salsa, une danse exotique qui laisse place à l’improvisation. Ainsi, deux courants se distinguent très nettement : la salsa portoricaine qui se caractérise par des déplacements linéaires et la salsa cubaine qui comporte des déplacements circulaires. Pour autant, beaucoup ne sont pas d’accord avec ces appellations réductrices. En effet, avant d’être théorisée par les écoles, la salsa demeure une danse non académique qui laisse libre court à l’expression corporelle. |