Non, Zakaria Boualem ne va pas vous parler du match. Plusieurs raison à cela. La première, c’est que la ficelle qui consiste à se rabattre sur le foot quand on est à court d’inspiration commence à se faire grosse. Il va juste vous raconter son après-midi de dimanche, ça va être rapide. Il a regardé le match avec un détachement suspect, comme un vague West Ham / Fulham. Bien préparé psychologiquement à la catastrophe, il l’a regardé se dessiner avec fatalisme, comme on regarde la marée monter. Le match terminé, il a échangé quelques sarcasmes avec ses potes, toujours aussi détendu. Son état s’est brutalement dégradé vers 19h00, oui, soudain. Remontées acides, nausées, son système digestif est entré en transe. Il a attaqué le problème à coup de médicaments divers avant de se retrouver terrassé par une insomnie absurde. Voilà, je vous laisse analyser. Zakaria Boualem ne va pas vous parler du match, donc. Parce qu’il ressemble point pour point aux autres matchs de cette époque ténébreuse. ça commence toujours avec des convocations de joueurs aléatoires mais nombreuses. C’est ce que font les organisateurs de soirées un peu pénibles : anticiper les désistements. La vague d’excuses arrive ensuite. J’ai ma femme qui accouche, je suis un peu fatigué, j’ai mal aux sourcils, j’ai la saison 2 de Game of Thrones à terminer… On finit ainsi par débarquer sur un terrain africain (beurk) avec une moitié de joueurs peu concernés, une autre dépassée, et le match commence dans un enthousiasme modéré. Le drame se joue en général en seconde mi-temps, lorsque la plupart des joueurs, pour une raison connue d’eux seuls, décident d’arrêter de jouer. Défaite, retour, et merci. Aucune raison, donc, de s’appesantir sur ce qu’on a déjà décrit maintes fois. Décrire à l’infini des choses bizarres ne les change pas, il est même possible qu’on finisse au contraire par s’y habituer. Bref, Zakaria Boualem n’est pas près de répéter les mêmes choses. Tout est clair. C’est qu’il traîne dans notre pays une étrange idée, celle qu’il existe des raccourcis vers le succès, et personne ne sait d’où elle vient. Au lieu de s’embarquer dans une pénible opération de mise à niveau du foot marocain, avec des centres de formation, des stades adaptés et plein de sous-projets exténuants, on va recruter un entraîneur star et lui demander de faire une équipe avec des binationaux déjà formés en Europe, ça va aller plus vite. Laissons les gueux se dépatouiller dans leur Botola marécageuse et allons vers le bling-bling… Franchement, on ne va pas se fatiguer avec des jeunes de Rapid Oued Zem et autre Combat de Sidi Yahya quand on peut récupérer des gars déjà prêts et qui jouent dans des endroits un peu plus sympas. Bon, ça marche pas. ça ne marche jamais, d’ailleurs. Au lieu d’aller développer les lignes ferroviaires, ou de désenclaver des régions qui n’ont jamais vu ce qu’on appelle l’goudrone, on va faire un TGV qui double une ligne qui existe déjà, c’est plus classe. ça va pas empêcher des centaines de milliers de citadins de se transporter à dos de mulets, mais ça va les faire oublier aux yeux du reste du monde, c’est pareil. C’est un raccourci vers le développement. Au lieu de construire des salles de concerts partout et de payer aux artistes leurs droits d’auteur pour qu’ils puissent vivre décemment, on va faire un énorme festival et on va expliquer que c’est un signe de bonne santé culturelle. Encore une fois, c’est plus facile. Et si on a des problèmes d’image, faisons une omelette géante, ça rattrapera le coup. Parce que c’est ce qui intéresse en premier lieu nos responsables : notre image. C’est sans doute en ce sens qu’ils sont véritablement modernes, la gestion de l’image est un projet en soi, jamais la conséquence d’un véritable travail de fond. Poussés par cette logique, on peut s’attendre à ce qu’ils nous pondent un de ces jours la plus belle université du monde, même si le reste du pays baigne dans l’analphabétisme. Il y a des gens qui aiment réduire les écarts, nous on préfère les creuser. Mais ça, Zakaria Boualem l’a déjà expliqué des dizaines de fois, il n’est donc pas question d’y revenir juste parce que l’mountakhab a perdu. Le Guercifi n’a qu’une parole, et merci.