Femmes de dictateurs. The power of love

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Dans son second essai, Diane Ducret nous emmène dans l’intimité très fermée des épouses et maîtresses de six despotes du XXème siècle. Extraits.

 

Fidel Castro. El commandanteSpeedy Gonzales

Contrôler l’entourage féminin de Fidel n’est pas une mince affaire. Depuis l’entrée triomphante dans La Havane, un curieux phénomène se produit chaque jour : l’apparition de femmes en délire devant celui qu’elles considèrent comme leur héros. (…) Celia prend ainsi le soin préventif de rompre toutes les liaisons antérieures de Fidel. Mais elle ne peut empêcher une flopée de groupies de la suite 2406 de rebaptiser le Commandante “le latin”.  (…) “Elles disent qu’il fait l’amour comme il pisse, sans ôter ses bottes, avec son inséparable escorte toujours à la porte, à toute vitesse et sans intimité”, se souvient un proche. Fidel considère que chaque minute qu’il prend sur son temps pour donner du plaisir à ces intrigantes est une concession, une infidélité faite à la nation.

 

L’amour meurtrier

Marita Lopez se rend compte que l’on n’échappe ni à la CIA ni à Fidel Castro. Au printemps 1960, elle est recrutée par un agent  qui entreprend un véritable travail de sape psychologique sur la jeune femme. L’endoctrinement dévoile bientôt son but : elle devra empoisonner Castro. Pour Marita, la trahison a un prix : la promesse de 2 millions de dollars versés sur un compte suisse. (…) Les mois d’entraînement, les craintes et les angoisses disparaissent en un instant lorsqu’elle se retrouve en face de son ancien amant. Dans la suite 2406, elle décide de jeter les pilules destinées à Fidel dans le bidet. Vaincue, Marita cède à nouveau au charme de l’homme au cigare et tombe dans ses bras en pleurs. Après une dernière nuit avec lui, elle regagne Miami et dit adieu à La Havane. Reste une dernière question que nous lui posons aujourd’hui, 52 ans plus tard : “Auriez-vous vraiment pu le faire, Marita ?” Elle répond : “Non, les sentiments étaient trop forts”.
 

Saddam Hussein. Le conseiller conjugal

Quand on le supporte,on peut tout supporter !

Palais de Saddam. Dans une pièce aménagée en cabinet médical, on prépare les instruments pour une intervention à haut risque. La première dame attend, résolue. Elle a pris sa décision : elle ne veut plus de ce grain de beauté disgracieux sur son bras (…) Prenant garde à ce que tout soit parfait pour cette patiente de premier plan, le docteur Ala Bashir oublie pourtant un léger détail (…) Le sang qui coule en abondance de la plaie surprend le médecin : “J’oubliai de lui administrer une anesthésie locale avant de commencer à couper”. (…) “Elle ne proféra pas le moindre cri, pas la moindre plainte”. S’inquiétant de sa patiente et probablement de son propre sort, le chirurgien attitré du clan Hussein esquisse une question sous forme d’excuse : “Etait-ce très douloureux ? – Oui (…) Mais quand on arrive à tenir bon avec Saddam, on supporte cela aussi”.

 

Jealous guy

Le docteur parle ainsi un soir à ses nouveaux amis de la dernière conquête de Saddam, une certaine Hanaa : “Elle n’était pas seulement son amie, mais celle dont il disait qu’elle comblait tous ses désirs. Il nous raconta comment il l’avait tuée. Elle avait rencontré un autre homme, et Saddam était devenu très jaloux. Il se rendit à la maison et la tua lui-même de son revolver, en même temps que sa mère, qui dormait dans son lit”.

 

L’homme qui aimait les femmes

Mettant en avant la réussite de son mariage avec Sajida, il se promeut conseiller conjugal des Irakiens, et leur dispense ses conseils pour une union heureuse dans les journaux : “La chose la plus importante à propos du mariage est que l’homme ne doit pas laisser la femme se sentir opprimée simplement parce qu’elle est une femme et qu’il est un homme”, lance-t-il. (…) C’est au cœur des Irakiennes que Saddam veut s’adresser, en les guidant dans leur émancipation : “Si la femme n’est pas libre, consciente et instruite, notre société restera sous-développée et ne sera pas libérée”. Il résume sa pensée en un slogan décidé : “Mépriser la femme, c’est trahir la révolution”.  Le féministe déclaré crée ainsi avec succès un culte de la personnalité dans l’esprit de beaucoup d’Irakiennes.

 

Khomeiny. L’époux modèle
Le parfum du succès

Le seul luxe que s’est octroyé le couple a été offert par Ahmad : une bouteille d’après rasage Paco Rabanne, achetée on ne sait trop pourquoi, puisque tous les hommes de la famille entretiennent une barbe florissante. Appréciant tout de même l’odeur de cette fragrance exotique et finalement inoffensive, Ruhollah et ses fils se permettent d’en asperger leurs barbes. Mais loin de se laisser enivrer par les effluves de Paco Rabanne, Khomeiny n’en réglemente pas moins l’utilisation du parfum. “Il soulignait souvent qu’aucune sorte de fragrance ne devait être utilisée hors de la maison”, nous raconte une de ses petites-filles. Je me rappelle qu’un jour l’imam fit cadeau à une autre de ses petites-filles d’un flacon de parfum et m’offrit une chose différente. Il me dit : parce que vous n’êtes pas encore mariée, vous n’avez pas besoin de vous parfumer”.

 

Une virée à Paris

Ruhollah s’est envolé pour Paris. Lorsqu’il a atterri, il s’est caché les yeux tout le long du trajet depuis l’aéroport, afin de ne pas être contaminé par des visions d’images dépravées. (…) En vue de préparer l’arrivée de la femme du leader, on cherche en hâte une résidence digne de l’accueillir. Mais un incident trouble les préparatifs : Ruhollah découvre avec horreur que les toilettes y sont à l’occidentale, et non à la turque. Le refus est catégorique. La transformation doit être faite avant que Khadije ne s’installe. (…)  Khadije est ici une véritable maîtresse de maison, préparant le thé pour les dizaines de partisans qui peuplent leur maison et la surnomment la “mère de l’Iran”. Mais Ruhollah n’entend pas lui laisser porter seule le poids de cette ruche révolutionnaire, qui compte faire tomber le shah à 5000 km de distance. Elle remarque un jour que son ponctuel de mari reste beaucoup plus longtemps qu’à l’accoutumée dans ses toilettes turques flambant neuves. Au bout d’un quart d’heure, elle le voit sortir manches retroussées, un seau à la main. Alors qu’elle se précipite pour l’aider, il n’a d’autre réponse que : “Les gens qui viennent et utilisent les toilettes sont mes invités. Il est de mon devoir de t’aider à garder cet endroit propre”.

 

Slobodan Milosevic. Homme influençable

Ma femme m’a dit…

Au sein du parti, l’arrière-garde des machistes prolétariens s’arrache les cheveux en commentant l’influence de Mira sur son mari : Milosevic commanderait au parti, mais non pas sous son propre toit. Slobodan écrit ses premiers discours sur la table de leur salle à manger et Mira se charge de les relire, y ajoutant sa touche personnelle, “les inspirations lyriques et poétiques viennent d’elle”, nous dit Branko Rakic, avocat et ami de la famille. (…) “On dit que derrière chaque grand homme, il y a une maîtresse. Eh bien, je suppose que cela veut dire que je ne serai jamais un grand leader”, avait dit un jour Milosevic à Richard Holbrooke, l’envoyé spécial des Etats-Unis aux Balkans.

Allo chérie !

Dayton, Ohio, décembre 1995. Le président américain Bill Clinton réunit sur son territoire tous les protagonistes de la guerre civile qui déchire une partie du Vieux continent. Slobodan a les cartes en mains. Autour de la table des négociations, la partie est serrée, bluffer devient presque impossible. Les diplomates sont estomaqués par l’attitude de Milosevic : à chaque avancée des pourparlers, il appelle sa femme au téléphone, afin de s’assurer qu’il ne fait pas de concessions trop importantes aux vainqueurs.

 

Kim Jong-il. Le noceur

Un papa (très) gâteau

Pour l’arrivée du dauphin, Kim Jong-Il voit tout en grand. On s’empresse d’édifier une salle de jeux personnelle pour le bambin – environ 1000 m2, remplis chaque année des derniers divertissements occidentaux. Une brigade spéciale est envoyée toute l’année à l’étranger acheter des présents destinés à cette occasion, pour une valeur d’environ 1 million de dollars par an. Kim Jong-il ne sait que faire ni acheter pour satisfaire cet enfant bien vite gâté. Lorsqu’il doit se faire enlever une de ses première dents, ce dernier pleure tellement que son père doit user de ses talents de diplomate : “Qu’est-ce que je dois faire pour que tu nous laisses enlever la dent ? – J’aimerais une voiture comme la tienne”. A vœu formulé, caprice exaucé. Le lendemain, il lui offre une Cadillac bleu marine.

 

L’empire des sens

Une des “institutions” les plus secrètes du régime est celle des groupes du plaisir. 2000 filles sont recrutées à la sortie du lycée, dans toutes les écoles d’art de la capitale, à la condition d’avoir à peine 18 ans, d’être encore vierges et exemptes de toute maladie. Une fois sélectionnées, les sylphides sont réparties en trois groupes, destinés à agrémenter les bacchanales déchaînant les palais de Kim : l’équipe de satisfaction, qui délivre des services sexuels, l’équipe du bonheur, chargée de masser et détendre les fonctionnaires, et l’équipe de chant et de danse. (…) Jong-il n’a pas de partenaire attitrée. Deux ou trois nymphes sont généralement assises à ses côtés, prêtes à lui fournir une satisfaction bien ordonnée. Vite écœurée des divertissements de son mari, Ko Young-hee espace ses visites à ces soirées orgiaques, préférant rester dans la résidence du mont Chang Kwang, que ce dernier lui a offerte.

 

Oussama Ben Laden. Le polygame

Darling, trouve-moi une femme !

Oussama souhaite prendre une troisième compagne. Cette fois-ci, Najwa est au cœur de la tractation. C’est elle qui choisit une épouse idoine. “Mon cœur me disait que mon amour pour lui ne ferait que grandir encore si je le faisais”. Najwa choisit pour ce troisième mariage une femme plus âgée de sept ans qu’Oussama, et toujours célibataire à 35 ans. L’année 1985, les trois femmes et leurs sept enfants turbulents ont fort à faire dans l’immeuble Ben Laden. Coordonner les horaires de ceux qui sont en âge d’aller à l’école, superviser les domestiques, bonnes, cuisinières et chauffeurs. Ce personnel venant des Philippines, du Sri Lanka, d’Afrique, d’Egypte et du Yémen fait ressembler le bâtiment à une petite ONU dont Oussama est le secrétaire général. (…) L’activité de la ruche ne faiblit pourtant jamais. “Ces gens qui couraient de tous côtés pour mener à bien leurs nombreuses tâches faisaient un bruit assourdissant”. En qualité de première épouse, Najwa reste la reine de la ruche, son statut s’imposant même aux deux autres épouses. Pourtant, elle nous dit ne s’être jamais sentie supérieure à Khadijah ou Khairiah. “Elles étaient devenues mes amies. Nul conflit n’existait entre nous”.

 

Parcours. Girl power

à 30 ans, Diane Ducret n’en est pas à son coup d’essai. Cette rédactrice de films documentaires culturels pour France 3 et animatrice d’émissions historiques sur la chaîne Histoire, a déjà écrit le tome 1 de Femmes de dictateurs ,en 2011. Elle avait alors dépeint avec précision, dans ce qui a été un véritable best-seller en France et qui a été traduit dans 18 langues, le quotidien des épouses et maîtresses de Benito Mussolini, Joseph Staline, Lénine, Antonio Salazar, Jean Bedel Bokassa, Mao Zedong, Nicolas Ceaucescu et Adolph Hitler. Dans ce second tome(Ed. Perrin), Diane Ducret, considérée par ailleurs comme une des auteures françaises les plus sexy, a parcouru à nouveau le monde pour enquêter sur le destin et la vie de femmes ayant partagé le lit d’un certain nombre de despotes contemporains. Un travail de recherche et de documentation sérieux, non sans risques, qui repose sur les témoignages exclusifs d’épouses, compagnes, maîtresses, enfants, proches, gardes du corps etc. Vivement le troisième tome !

 

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