Zakaria Boualem vous distrait...

Par Réda Allali

Au moment où vous lirez ces lignes, vous serez très probablement frappés de déshydratation hypoglycémique ou alors, si la nuit est tombée, plongés dans les difficultés d’une digestion chaotique. Bref, vous avez démarré le ramadan et c’est dur. Mais Zakaria Boualem, lui, à cause des délais de bouclage, est encore plein de lucidité, d’énergie et d’ambition. Il vous a donc concocté une petite page pleine de saynètes légères pour vous distraire en ces moments difficiles. Un peu comme notre télé nationale, oui, exactement, mais sans les rires enregistrés et les pubs avec des animaux mutants. Ne voyez dans la compilation suivante aucun message, n’en tirez aucune conclusion, on est là pour se détendre, et merci.

Scène 1 : Animation de plage destinée aux jeunes enfants. Ils se succèdent au micro pour un petit concours de chant, ambiance familiale, tout va bien, lilalilaloum… Soudain, l’animateur, qui ne s’était pas distingué jusque-là par sa finesse, décide de lancer une devinette. La voilà : une femme est dans un fleuve, son mari la menace de la répudier si elle sort un de ses pieds de l’eau et pourtant elle doit sortir du fleuve. Comment peut-elle sortir du fleuve sans sortir les pieds de l’eau et se retrouver répudiée ?… Une bonne vingtaine de gamins se présentent pour proposer une réponse, sans doute soufflée par les parents. Aucun d’entre eux ne pose la seule question qui vaille : pourquoi cet abruti a-t-il décidé de répudier son épouse sur la base d’une condition aussi absurde ? Cette dame devrait-elle rester mariée à pareil crétin ? Au nom de quoi cet homme fait chuter l’arbitraire sur la tête d’une femme dans un fleuve soudain ? Non, personne ne pose ces questions, la devinette leur semble logique, c’est Zakaria Boualem qui est illogique, donc. Les ténèbres, les ténèbres…

Scène 2 : Concert d’une superstar libanaise dans un festival. La demoiselle monte sur scène, elle est une sorte de croisement entre une sirène et un bout de silicone. La musique démarre, tout est très professionnel. Soudain, une tomate s’abat sur scène, puis deux, puis arrivent les œufs… Même si tous loupent leur cible, c’est un spectacle affligeant. Par quel cheminement de pensée un groupe d’individus en est-il arrivé à considérer que son rôle sur la planète à ce moment était d’agresser une chanteuse ? Pendant la phase de préparation, qui inclut l’achat de victuailles, le transport, la conservation des œufs pendant la première partie de la soirée, comment se fait-il que le bon sens n’ait jamais frappé ces bipèdes ? S’agit-il d’un jihad agroalimentaire ou d’une position artistique ? D’où vient cette tendance désormais nationale qui veut que lorsqu’on n’aime pas quelque chose, on cherche à la détruire plutôt qu’à l’éviter ? Les ténèbres, les ténèbres…

Scène 3 : Aéroport d’Oujda, tout neuf s’il vous plaît… Zakaria Boualem veut acheter un billet d’avion pour un vol vers Casablanca. Au moment où il veut payer, on lui explique qu’il ne peut pas payer par carte bancaire mais que c’est pas grave, parce qu’il y a un guichet automatique. Ledit guichet, vous l’avez deviné, est hors service. A côté de Zakaria Boualem, un touriste japonais ne comprend pas le concept de “on ne peut pas payer par carte”, c’est comme si on lui avait annoncé que nous mangions nos enfants. Devant le guichet en panne, il se demande pourquoi il n’y a pas eu une vague de harakiri suite à ce déshonneur technologique majeur. L’avion partira sans eux. Ils prendront le suivant, après avoir été chercher de l’argent à Oujda. Il est intéressant de constater que les vols qu’on loupe partent à l’heure, chez la RAM, et ceux qu’on prend, jamais. En l’occurrence, le vol suivant démarrera avec deux heures de retard, au cours desquelles les passagers n’auront droit à aucune excuse, aucun café, aucun verre d’eau. Lorsqu’il arrive à destination, Zakaria Boualem a l’impression d’avoir vieilli de plusieurs années, et le Japonais est en voie de décomposition, lui qui a pourtant survécu à Fukushima… Les ténèbres, les ténèbres…

Scène 4 : Raja/Bilbao : trois buts à un, les petits ponts, la joie, l’amour, les bisous, tout est oublié, et merci.