En ce beau mois de juillet 2012, qui coïncide cette année avec le premier anniversaire de notre nouveau Doustour, lequel coïncide avec notre nouvelle transition démocratique, Zakaria Boualem aurait bien voulu vous parler de choses légères. Mais malgré la succession de coïncidences heureuses listées plus haut, il n’arrive pas à s’y résoudre. Pour notre héros, l’été est la saison de tous les stress. Trop de monde, partout, trop de voitures… L’accumulation de la chaleur des corps, des esprits et des gaz d’échappement crée une atmosphère qui est l’exact opposé de sa conception des vacances. Sans parler de l’hystérie générale qui s’empare d’une masse importante de gens qui, soudain, veulent s’amuser sans réaliser que c’est quelque chose qui s’apprend, un peu comme le piano. A force d’accepter de s’emmerder tout le reste de l’année, ils n’arrivent qu’à s’énerver quand ils décident de faire autre chose. Et merci.
Zakaria Boualem aurait pu vous parler de cette terrible histoire qui est arrivée à une amie à lui la semaine dernière. Prise de douleurs violentes et de saignement – elle est enceinte –, la dame s’est rendue dans une clinique qui annonçait fièrement “urgences 24h/24”. La scène se passe à Tétouan et la clinique a un nom d’arbre qui commence par P et qui donne des dattes. On lui explique alors que la gynécologue existe, qu’elle est de garde bien entendu puisque c’est écrit à l’entrée, mais qu’elle ne peut pas se déplacer de nuit parce que ce n’est pas assez grave. Non, on ne peut pas l’appeler, on ne dérange pas les gens comme ça, enfin, un peu de savoir-vivre… Cette dame a fini par plier bagage et elle a été finalement soignée in extremis par l’amie d’une amie qui passait ses vacances dans la région. Il aurait pu vous raconter cette histoire en détails, il en a beaucoup et ils sont affreux, mais elle ne vous choquera même pas, vous êtes déjà habitués à ce genre d’horreur. Vous êtes comme Zakaria Boualem, vous connaissez sans doute une flopée d’histoires encore plus dramatiques…La lente dégradation de notre sensibilité collective, attaquée au quotidien par la tragédie ordinaire, a fait de nous des monstres d’égoïsme.
Ce dernier chapitre est bien évidemment excessif, il y a bien une chose qui a déclenché récemment un tollé dans notre glorieuse contrée : l’affirmation scandaleuse d’un illuminé avançant benoîtement qu’il ne voyait rien d’anormal à ce qu’un couple non marié ait des relations sexuelles. Voilà ce qui a mis le feu aux réseaux sociaux, avec à la clé un appel au meurtre et une masse d’insultes qui pourraient, si elles avaient été imprimées, détruire la forêt amazonienne et plonger la Suisse dans le chaos. Oui, nous vivons dans un pays où le sexe hors mariage choque plus que le viol, par exemple. Nous sommes pleins de compassion collective pour les violeurs, on a même trouvé une solution pour les marier à leurs victimes. Mais du sexe en dehors du mariage, jamais ! (L’arrivée soudaine de ce point d’exclamation, d’ordinaire banni de cette page, est là pour souligner le caractère brutal de l’indignation en question). Par quel raisonnement tortueux en est- on arrivés là ?… Voici la logique hachakoum : si un type viole une femme, elle l’a peut-être cherché un peu, mais on n’en est pas sûr à 100%, soyons rigoureux. Alors que dans le cas du sexe en dehors du mariage, on est certain de son consentement et, bien entendu, c’est plus grave. Disons-le clairement : il y a deux types de Marocains. Ceux qui ont déjà pratiqué le sexe hors mariage et ceux qui cherchent à régler des problèmes de logistique pour le faire aussitôt. Autrement dit, un truc que tout le monde fait ou a déjà fait déclenche le scandale, c’est très bien. Il nous faut d’urgence un gazage aérien à l’antidélirium accompagné d’une intervention à terre d’une armée de psy en tout genre. Arrivé à ce point d’hypocrisie collective, Zakaria Boualem est impuissant, il ne peut que constater les dégâts, retourner à ses dvd de foot, et vous souhaiter un été agréable, et merci.