C’est fini, l’Espagne a gagné, Zakaria Boualem peut retourner à ses occupations. Elles consistent principalement à attendre le ramadan, puis l’Aïd, puis la rentrée, le tout en attendant le retour de la Botola. Oui, le retour des matchs douteux sur terrain pourri, avec un arbitre louche et des dirigeants de mauvaise foi, des scores étranges et des débats surréalistes… Tout cela lui manque un peu. Il a l’impression que l’Euro a été produit par Walt Disney, trop de fair-play, trop de bisous, des enfants qui gambadent autour de la coupe, des joueurs qui offrent leurs primes aux miséreux, des Italiens qui prennent quatre buts sans tirer de maillots, des Allemands qui ne prennent même pas la peine de faire l’effort de se rendre antipathiques. Sans parler des pays organisateurs qui se font éliminer poliment au premier tour, des Irlandais qui chantent tout le temps, des Anglais qui ne se battent plus, qui ne prennent pas la peine de nous déclencher un ou deux scandales nocturnes, une petite affaire avec de la bière, des demoiselles et des coups de poing. Nothing. C’était un Euro mignon. Même la Grèce qui, en matière de foot dégueulasse avait posé la barre très haut en 2004, est devenue normale, elle a même essayé de marquer des buts. Seule la France s’est dévouée pour mettre un peu d’ambiance. Elle a trouvé sa tête de Turc, il s’appelle Samir Nasri. Après s’être engueulé avec un journaliste, ce joueur est devenu l’homme le plus important de France. Certains révisionnistes ont aussitôt appelé à sa suspension immédiate, évoquant, avec des sanglots dans la voix, les souvenirs glorieux des anciens footballeurs tricolores qui, eux, savaient se tenir, qui respectaient le jeu, le public et leurs adversaires. Certes. Zidane piétinant un saoudien ou attaquant de front un Italien, c’était mieux en termes de comportement. Cantona, le génie qui traite son entraîneur de sac à merde, qui balance un high kick à un supporter, c’était classe, là aussi. On s’en fout, c’était avant et tout le monde sait que ce qu’il y avait avant est forcément mieux. Zakaria Boualem est comme tout le monde : il idéalise le passé parce qu’il regrette sa jeunesse… Et l’Espagne qui gagne encore, meziane. Dans trente ans, il les trouvera géniaux, ces Espagnols. Mais là, aujourd’hui, il les trouve juste énervants. Ces types martyrisent les téléspectateurs quand ils refusent de tirer au but. Puis soudain, quand ils se décident enfin à s’y mettre, ils martyrisent leurs adversaires. Ils ont même inventé un truc redoutable, une équipe sans avant-centre. Avant, on croyait qu’il fallait mettre devant les buts un vaillant cheval, puissant et rusé pour propulser comme il se doit la balle dans les buts. Ils ne prennent même pas cette peine, il suffit que l’un d’entre eux se dévoue pour cette tâche et ça marche aussi bien. N’importe lequel, oui, puisqu’ils sont interchangeables : Fabregas, Mata, Silva ou Alba, c’est pareil. Ils ont tous la même forme, on dirait qu’ils les fabriquent à la chaîne, c’est infernal. Et après ça, ils vont nous expliquer qu’ils traversent une crise économique. C’est pas énervant, ça ? Ils sont dix mille à se payer un billet d’avion, un hôtel et un ticket d’entrée au stade pour voir des joueurs dont la valeur marchande est supérieure au PIB des pays du Sahel et ils sont en crise… Ceux qui ne sont pas allés en Ukraine ont festoyé toute la nuit en attendant leurs héros. On aimerait bien voir une crise pareille ici. Et puis, entre nous, ça ne vous énerve pas de savoir qu’ils habitent juste au bout de la rue ?… Oui, juste à côté sans que le bonheur footballistique ne se trompe jamais d’adresse et vienne frapper à notre porte. ça ne vous énerve pas, vous, de savoir, comme le disent nos grands-parents, que “oullah a ouldi had spalioune, ils étaient dans nos rues à quémander un bout de pain, je les ai vus avec ces yeux qui te voient”… Et ça ne vous énerve pas, cette musique où ils répètent tous les trois mots “mi corazon” avec les yeux mouillés et les poings serrés? Zakaria Boualem veut bien avouer qu’il y a là-dedans de la jalousie si vous reconnaissez qu’il y a à la base une injustice. Bon, il est temps d’arrêter cette chronique, soudain, il n’est pas exclu que Zakaria Boualem doive demander un visa un de ces jours. Y Gracias.